31 Octobre 2014 | Burkina Faso : Compaoré démissionne, le chef de l’armée au pouvoir

La rue a eu raison du président du Burkina Faso après 27 ans à la tête de l’État. Blaise Compaoré a quitté le pouvoir et la capitale ce matin, escorté par l’armée qui contrôle désormais le pays.
« J’ai décidé de mettre en œuvre l’article 43 de la Constitution. Je déclare la vacance du pouvoir en vue de permettre la mise en place d’une transition devant aboutir à des élections libres et transparentes dans un délai maximal de 90 jours », a-t-il déclaré dans un communiqué lu à la télévision et à la radio.
M. Compaoré, parvenu à la tête du Burkina Faso à la faveur d’un coup d’État en 1987, était confronté à la colère de ses compatriotes descendus en masse dans les rues du pays pour contester sa volonté de se maintenir au pouvoir au-delà de 2015. Il refusait encore de démissionner jeudi soir malgré une journée de violentes manifestations à Ouagadougou et dans les autres grandes villes du pays.
Le chef d’état-major, Honoré Traoré, qui s’est autoproclamé chef de l’État pour la durée de la transition, a promis le retour à l’ordre constitutionnel le plus rapidement possible.
L’annonce du départ du président Compaoré a provoqué une explosion de joie parmi les manifestants rassemblés à Ouagadougou.

Le chef d’état-major de l’armée du Burkina Faso, le général Honoré Traoré, a annoncé vendredi qu’il assumait désormais les fonctions de chef de l’État après la démission du président Blaise Compaoré. Photo : Reuters
Selon la constitution du Burkina Faso, l’intérim à la tête de l’État doit être assuré par le président de l’Assemblée nationale si le président démissionne. Or l’Assemblée a été dissoute dès jeudi soir par le général Traoré dans le cadre de l’état de siège brièvement décrété par Blaise Compaoré.
Le chef de l’armée s’est contenté d’évoquer un retour à l’ordre constitutionnel le plus rapidement possible sans fixer de date.
« Je décide que j’assumerai à partir de ce jour la responsabilité de chef de l’État. Un engagement est pris de procéder sans délai à des consultations avec toutes les forces vives et les composantes de la nation en vue d’un processus qui mènera au retour à une vie constitutionnelle normale », a-t-il déclaré.
Les chefs de file de l’opposition n’ont pas réagi dans l’immédiat.
Un groupe de jeunes officiers, dirigé par le colonel Isaac Zida, n° 2 de la garde présidentielle, a annoncé à son tour la prochaine mise en place d’un « organe de transition », « en accord avec toutes les forces vives de la Nation », afin d’organiser un « retour rapide » à l’ordre constitutionnel.
« On s’attend à ce que l’armée nous dise ce qu’elle compte faire de la transition, nous leur dirons ce que nous pensons », a rétorqué le chef de l’opposition burkinabée Zéphirin Diabré. Il a ajouté qu’il espérait que les deux factions militaires qui ont revendiqué le pouvoir parviennent à « s’entendre », après la démission de Blaise Compaoré.
De nombreux manifestants dans les rues de la capitale réclament que le pouvoir soit provisoirement confié au général à la retraite Kouamé Lougué. Cet ancien ministre de la Défense accusé en 2004 d’avoir voulu renverser Blaise Compaoré a rencontré jeudi des chefs de file de l’opposition alors que des dizaines de milliers de manifestants affrontaient les forces de l’ordre aux abords du palais présidentiel après avoir envahi l’Assemblée nationale et mis à sac le siège de la télévision publique.
Paris salue le départ de Compaoré, Washington met en garde
Le président français François Hollande, qui avait discrètement tenté de convaincre Blaise Compaoré d’accepter un poste dans une institution internationale à la fin de son mandat, a salué la démission du président burkinabé et a demandé la tenue rapide d’élections démocratiques.
Washington a appelé à une transition dans le respect de la Constitution tout manifestant son inquiétude de voir le chef d’état-major de l’armée au poste de chef de l’État.
L’Union européenne appelle, elle aussi à l’organisation d’élections « démocratiques, inclusives et transparentes » au Burkina Faso.
Après deux septennats puis deux quinquennats, Blaise Compaoré avait acquis un statut de médiateur dans les conflits de la région. Il s’était en outre allié aux pays occidentaux, dont la France, dans les efforts de lutte contre les islamistes radicaux actifs dans la région.
Une délégation des Nations unies, de l’Union africaine et de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) devait se rendre au Burkina Faso ce vendredi pour des entretiens avec les différents protagonistes de la crise.