6 octobre 1981 | Egypte: L’assassinat d’Anouar el-Sadate au Caire

Le 6 octobre 1981, le président égyptien Anouar el-Sadate est la cible d’un attentat perpétré par des fondamentalistes musulmans au cours d’une parade militaire au Caire. Après des heures d’incertitudes, la mort du Raïs est confirmée.
Mardi 6 octobre 1981, six militaires appartenant à une unité antichar profitent d’un défilé militaire commémorant la guerre d’octobre 1973 pour attaquer à coups de grenades et de mitrailleuses la tribune présidentielle. Blessé grièvement, Anouar el-Sadate décède quelques heures plus tard. L’attentat intervient quelques semaines après l’offensive majeure lancée par le président égyptien contre des intellectuels et des activistes (islamistes, communistes…).
Dans les pays Arabes, la mort du président égyptien fait diversement réagir. Si c’est la consternation en Israël, en Oman et au Maroc, des explosions de joies retentissent dans les rues de Damas, Tripoli, Téhéran ou Bagdad. Pour ces derniers, Sadate était un « traître ». En cause, la signature des accords de Camp David le 17 septembre 1978 entre l’Égypte et Israël. Dix mois plus tôt, le président égyptien avait reconnu l’État d’Israël dans une allocution prononcée à la Knesset à Jérusalem.
Pour André Géraud, rédacteur en chef à La Croix en 1981, si Sadate, était bien « l’homme qui symbolisait la paix » – il avait d’ailleurs reçu le prix Nobel en octobre 1978 –, « la dynamique sur laquelle il comptait ne s’est pas produite ». Sa mort apparaît comme un désastre pour la paix au Proche-Orient, mais aussi comme un risque de déstabilisation de l’Égypte.
Les Frères musulmans, les mieux organisés, sont alors considérés par nombre d’observateurs comme les premiers bénéficiaires de cet événement. Alors que les commanditaires de l’assassinat n’étaient pas encore identifiés, La Croix revenait dans son édition du 8 octobre 1981 sur la longue histoire entre les Frères musulmans et le président Sadate qui, « sans doute à regret, mais avec une extrême détermination, s’était enfin résolu à les combattre ».
Les funérailles du président ont lieu le 10 octobre en présence des anciens présidents américains Nixon, Ford et Carter, du premier ministre israélien Menahem Begin et d’autres leaders politiques influent, mais en l’absence des dirigeants arabes.
Les commanditaires de l’attentat, appartenant à l’organisation du Djihad islamique égyptien fondée par d’anciens membres des Frères musulmans, sont par la suite arrêtés. Parmi eux, Ayman al-Zawahiri, l’actuel chef d’Al-Qaida. Ce dernier sera finalement innocenté par la justice égyptienne. Enfin, le successeur de Sadate, le général Hosni Moubarak, saura finalement préserver la paix tout en affermissant son pouvoir à la tête de l’Égypte.
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L’homme qui symbolisait la paix
(La Croix du 8 octobre 1981)
L’éditorial d’André Géraud
Le président el-Sadate est mort assassiné. Cette mort, il en avait pesé les risques et il l’avait acceptée. Car, comme il nous le disait le 10 décembre 1977, lors du « Club de la presse » réalisé au Caire, les Carlos, les Kadhafi ne peuvent m’assassiner « sans l’accord de Dieu ».
Anouar el-Sadate était un croyant. Et c’est en croyant qu’il poursuivait le chemin que, le 19 novembre de la même année, à Jérusalem, il avait décidé de suivre. « Le chemin le plus difficile », précisait-il. Et il fut bien difficile, ce chemin de la paix entre l’Égypte et Israël, aboutissant aux accords de Camp David. Et plus difficile encore apparaissait le chemin qui restait à parcourir jusqu’à un règlement général du conflit israélo-arabe.
Considéré par beaucoup de pays arabes comme un traître à leur cause, Anouar el-Sadate n’avait pas renoncé pour autant au but qu’il s’était fixé. Ce qui frappait d’abord ses interlocuteurs, c’était sa détermination : il était sûr que la politique qu’il avait choisie était la seule possible. Hélas ! la dynamique de la paix sur laquelle il comptait ne s’est pas produite. Les dirigeants israéliens ont mal répondu à l’attente du chef de l’État égyptien, le Front du refus s’en est trouvé renforcé ; les opposants à l’intérieur même de l’Égypte ont relevé la tête et le président Sadate lui-même s’est durci.
La haine l’a donc emporté. L’homme qui symbolisait la paix est tombé. Quels qu’ils soient, ceux qui ont commandité l’assassinat n’ont pas travaillé pour la paix. L’Égypte risque de s’en trouver déstabilisée et l’équilibre précaire du Proche-Orient une nouvelle fois rompu. La juste solution du conflit israélo-arabe, qui tout en reconnaissant le droit à l’existence d’Israël donnerait une terre aux Palestiniens, s’éloigne encore un peu plus.
Et comment ne pas être horrifié par tous ces attentats qui vont se succédant : contre le président Reagan, contre le Pape Jean-Paul II, contre le président Sadate, sans parler de tous ceux qui se produisent presque quotidiennement en Iran.
La violence est le lot de notre monde en cette fin du XXe siècle. Qu’elle s’exerce contre les grands de ce monde ou contre les petits, elle ne peut qu’engendrer la violence. Quand elle
s’exerce contre ceux qui veulent la paix, elle jette son masque : non, elle ne peut vraiment pas faire avancer la paix.