12 Septembre 1977 | Steve Biko est sauvagement assassiné par cinq policiers sud-africains

Vingt ans après, la vérité éclate enfin sur la mort de Steve Biko,
l’un des dirigeants noirs les plus importants des années 70, même si, à l’époque, il n’y avait guère de mystère sur le fait qu’il avait péri entre les mains de la police sud-africaine. Cinq policiers sud-africains ont cette fois confessé le crime devant la commission Vérité et Réconciliation qui enquête sur la période de l’apartheid en Afrique du Sud. Un aveu de dimension historique, qui leur permet toutefois de demander une amnistie.
Steve Biko, à peine âgé de 30 ans au moment de sa mort, était le «père» de la Conscience noire, un mouvement qui avait été à l’origine du réveil militant contre l’apartheid dans les années 70, en particulier du soulèvement des jeunes de Soweto, en juin 1976. Sa mort, le 12 septembre 1977, des suites d’une blessure à la tête alors qu’il était en détention, avait choqué la majorité noire d’Afrique du Sud et créé un martyr immortalisé dans la superproduction cinématographique de sir Richard Attenborough, Cry Freedom. Le pouvoir sud-africain s’était pour sa part illustré par une attitude d’une rare cruauté: l’un de ses plus odieux représentants, le ministre de la Justice (sic), Jimmy Kruger, avait fait rire un congrès de son parti en disant que lui aussi en avait parfois tellement marre qu’il avait envie de se frapper la tête contre les murs, et que, de toutes les manières, la mort de Biko le «laissait froid»… Le même Kruger disait à l’époque, à propos de Mandela: «En Afrique du Sud, la prison à vie dure toute la vie.» Mandela est aujourd’hui président de l’Afrique du Sud, et Kruger est mort et oublié…
Le scandale international provoqué par la mort de Steve Biko avait forcé les autorités à créer une enquête judiciaire publique. Le talent de l’avocat de la famille du leader noir, Me Sydney Kentridge, avait permis d’apprendre quelques détails sinistres sur son agonie: blessé à la tête dans un commissariat de Port Elizabeth, il avait été jeté nu à l’arrière d’une Land Rover de la police et ramené à Pretoria, à 1000 kilomètres de là. Il était mort à l’arrivée. Malgré ces révélations, la commission avait conclu à l’absence de responsabilités des policiers qui avaient interrogé le jeune activiste noir ou des médecins pénitenciers qui l’avaient laissé mourir.
Vingt ans plus tard, l’apartheid enterré, la vérité tombe enfin. Les noms des cinq policiers qui ont reconnu le crime ont été publiés dans la presse sud-africaine, pas officiellement. «Certains candidats à l’amnistie pourraient se voir menacer en raison de l’énormité de ce qu’ils s’apprêtent à révéler», a souligné hier Alex Boraine, le vice-président de la commission. Les cinq hommes auront en effet droit à une amnistie, ce qui ne manquera pas de faire scandale en Afrique du Sud. La veuve de Biko et ses anciens amis politiques de la Conscience noire ont déjà lancé un recours contre la commission devant la Cour suprême. Beaucoup, en Afrique du Sud, refusent de se contenter de la vérité: ils récusent l’amnistie qui avait été négociée comme prix de la transition vers la démocratie et réclament un véritable châtiment.