12 septembre 1974 | Destitution de l’empereur d’Éthiopie Hailé Sélassié; le dernier roi des rois

« Il y a quarante ans, Hailé Sélassié était destitué, puis assassiné. Artisan d’une Éthiopie indépendante et moderne, il est l’un des souverains les plus populaires —et controversés— du XXe siècle ».
Haïlé Sélassié est le nom de règne de Tafari Makonnen, né en 1892. Son père, gouverneur de Harar, était le cousin de Ménélik II. Le futur roi des rois prend dès 1917 l’ascendance sur son héritier, qu’il fait emprisonner en 1920 puis exécuter. Il sait parfaitement composer avec Zawditou, la reine des reines, la fille même de Ménélik II, vis-à-vis de laquelle il joue de plus en plus nettement le rôle de régent du trône.
Chrétien orthodoxe, le futur Hailé Sélassié fut formé par des missionnaires catholiques français. Durant les années 1920, le gouvernement français soutient l’indépendance de l’Éthiopie, alors le seul avec le Libéria à échapper la colonisation européenne. Avec son appui, l’Éthiopie est admis en 1925 à la Société des nations (une sorte de prélude de l’ONU, créée elle au sortir de la Seconde guerre mondiale).
Tafari Makonnen créé une école et un journal à Addis-Abeba, comme modèles de sa politique de développement social, politique, technique et sanitaire. Au nombre des mutations à son acquis, l’abolition de l’esclavage date de cette période ; l’on peut en outre compter la modernisation de l’armée et les réformes de l’administration, tout cela renforçant progressivement le pouvoir central au profit du régent, et donc au détriment des chefs de province.
En 1928, il exige d’être couronné « negus », le roi. Lorsque la fille de Ménélik II décède en 1930, il accède au pouvoir suprême. Son titre « negusa nagas » (roi des rois) sera souvent traduit par empereur.
Les réformes s’accélèrent alors : constitution écrite (1931) qui renforce son pouvoir, création d’un parlement (1932) qui limite l’autonomie des chefs de province. Hailé Sélassié se rapproche du Japon, et perd le soutien de la France, ce qui ouvre la porte aux prétentions coloniales de l’Italie. En octobre 1935, les troupes fascistes attaquent depuis l’Érythrée et la Somalie, et pénètrent dans Addis-Abeba en mai 1936. Le roi des rois s’enfuit et plaide par un discours remarqué sa cause auprès de la Société des nations ; l’écho sera en effet vif en ces temps houleux, d’autant que la Guerre d’Espagne éclate bientôt.
Exilé au Royaume-Uni, il retourne en Éthiopie en 1941 et doit composer avec les forces de la résistance intérieure, lui reprochant sa fuite, et les Britanniques qui ont rendu possible son retour. Progressivement, Hailé Sélassié se rapproche des États-Unis qui voit en lui un allié utile, notamment pour contrebalancer l’influence de l’Égyptien Nasser ; avec leur soutien, il créé la Fédération de l’Éthiopie et de l’Érythrée ouvrant un accès à la mer. Néanmoins, dès 1958 un mouvement séparatiste se forme puis, dès 1961, une rébellion armée.
L’activité internationale est marquée, alors que l’absolutisme du pouvoir ne fait que s’accroitre. Hailé Sélassié participe en 1955 avec l’indien Nehru à la conférence des non-alignés de Bandung ; en mai 1963, le premier congrès des chefs d’État africains a lieu à Addis-Abeba, où siège désormais l’Organisation de l’unité africaine.
Sur la scène intérieure, les conflits se développent : séparatisme érythréen, tentative de coup d’État en 1960, mécontentement social. En 1974, la révolution emporte finalement le roi des rois, âgé de 84 ans. Les médias se retournent contre lui, et lui reprochent son désintérêt pour la grande famine de 1973. Il est destitué le 12 septembre 1974 par un groupe de militaires qui a organisé une sorte de parlement appelé « Derg » (comité, en amharique), puis assassiné secrètement en août 1975 sur ordre de Mengistu, l’artisan de la terreur qui s’abat sur l’Éthiopie..
Après la chute du « Derg » en 1991, ses restes sont retrouvés. Des funérailles solennelles, mais non d’État, lui sont octroyées en 2000.
Par: Olivier Lavoisy.
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