6 septembre 1968 | Swaziland: Proclamation de l’indépendance

Le Swaziland est officiellement appelé royaume du Swaziland (en anglais, Kingdom of Swaziland ; en swati, Umbuso weSwatini) ou encore le Ngwane, synonyme de Swaziland, du nom des rois Ngwane III, Ngwane IV et Ngwane V. C’est un État d’Afrique australe, enclavé entre le Mozambique à l’est et l’Afrique du Sud. Ce petit pays de 17 363 km² (moins grand que la Belgique) est indépendant depuis 1968. C’est une région montagneuse sans façade maritime. Le nom du pays (Swaziland) et celui de l’ethnie principale (les Swatis) proviennent du nom Mswati II, «le plus grand des rois guerriers swazis». Le mot Dlamini est le nom de la famille royale, ainsi qu’une façon courante d’appeler le Swaziland.
La capitale administrative du Swaziland est Mbabane (95 000 habitants en 2007), mais Lobamba (5800 hab. en 2003) est la capitale royale et législative. Les autres villes importantes sont Manzini (78 700), Big-Bend (9375), Mhlume (7660), Malkerns (7400) et Nhlangano (6540).
Le roi Mswati III règne depuis 1986 sur cette dernière monarchie absolue d’Afrique. Les partis politiques sont interdits et la liberté d’expression est très restreinte.
2 Données démolinguistiques
Selon les estimations du gouvernement, la population du Swaziland était estimée à 1,3 million d’habitants en 2017. Le taux d’espérance de vie était peu élevé, soit de 38,6 ans; le pays est aux prises avec les ravages du sida, avec près de 40 % de la population swazie comme séropositive, le taux le plus élevé au monde. Le gouvernement accuse les femmes d’être les responsables de la propagation de la maladie dans le pays!
Le Swaziland est relativement homogène au point de vue ethnique et linguistique. Le pays est, en effet, peuplé à 83,5 % de Swazis, lesquels appartiennent à la branche nguni des Bantous. Les minorités ethniques sont les Zoulous, les Tsonga, les Afrikaners, les Métis, les Indo-Pakistanais, les Nyanja, les Sotho, les Britanniques et les Comoriens. Le Swaziland a accueilli de nombreux réfugiés du Mozambique (peut-être 7 % de la population totale). Près de 30 % de la population a conservé les croyances traditionnelles animistes, alors que les autres sont de religion chrétienne protestante (5,5 %) et catholique (5 %) ou musulmane/hindouiste (10 %).
Les langues indigènes appartiennent à la famille bantoue: le swazi, le zoulou, le tsonga, le nyanja ou chichewa, le sotho du Sud et le comorien. Le swati constitue la langue nationale et l’une des langues officielles du Swaziland (avec l’anglais); il est également parlé au Mozambique et en Afrique du Sud. Les langues «blanches» sont l’afrikaans et l’anglais, toutes deux d’origine germanique; l’anglais est l’une des deux langues officielles. De par leur statut, le swati est la première langue officielle; l’anglais, la seconde.
3 Données historiques
Les archéologues ont découvert des restes humains datés d’il y a 100 000 ans. Mais le peuplement des plateaux du Ngwane a commencé beaucoup plus tardivement, c’est-à-dire vers la fin du XVIIe siècle. Les Swazis, des Nguni — descendants des San et des Khoisans (Bochimans) —, occupaient à l’origine la partie sud-est du littoral de l’Afrique australe, le long de la rivière Pongola (dans le Natal sud-africain). Ils se sont mêlés aux Bantous qui migraient vers le sud aux XVe et XVIe siècles et arrivaient de l’Afrique centrale. Les Swazi s’installèrent dans les montagnes de Lubombo dans l’est du Swaziland ainsi que dans le Haut-Veld de l’Afrique du Sud (province de Gauteng).
3.1 La colonisation européenne
Au milieu du XIXe siècle, les attaques des Zoulous incitèrent le roi Mswati à demander la protection de la Grande-Bretagne, ce qui eut pour effet l’arrivée au Swaziland, surtout après 1878, de nombreux colons et prospecteurs blancs. Les terres des Swazis furent progressivement accaparées par les colons boers arrivés du Transvaal, avec la complicité du souverain swazi qui y trouvait un intérêt financier personnel. À partir de 1888, les Boers (fermiers hollandais dont le nom signifiait «paysans» en néerlandais et se prononçait [bour]) reçurent le droit de s’administrer eux-mêmes.
En 1889, un accord (Loi sur la juridiction étrangère de 1890) entre Britanniques et Boers confia l’administration du Ngwane (ou Swaziland) au Transvaal. De fait, à partir de 1894 et jusqu’à la guerre des Boers (1899-1902), le Swaziland devint un protectorat de la République boer du Transvaal. Les Boers implantèrent progressivement l’usage du néerlandais (écrit) et de l’afrikaans (oral) dans l’Administration. Craignant davantage l’emprise des Boers que celle des Anglais, les Swazis en appelèrent à la protection britannique.
Défaits par les Britanniques, les Boers signèrent, le 31 mai 1902, le traité de Vereeniging par lequel le Transvaal et l’État libre d’Orange devenaient des colonies de la Couronne britannique. Dès lors, les Britanniques se trouvèrent à contrôler un grand nombre de colonies: Le Cap, le Natal, le Transvaal, l’État libre d’Orange, le Griqualand, la Nouvelle République (the New Republic), le Stellaland et le Zoulouland, sans oublier le Bechuanaland plus au nord et le Swaziland à l’est. En 1910, la Grande-Bretagne créa l’Union sud-africaine qui rassemblait toutes les anciennes colonies britanniques et les anciens États boers. Les Swazis échappèrent à l’annexion par l’Union sud-africaine, mais leurs terres demeurèrent aux mains des colons blancs (Afrikaners); ils ne détenaient que 37 % des terres du Swaziland.
La reconquête de leur territoire par les Swazis débuta en 1921 lorsque le nouveau roi, Sobhuza II, institua un organisme chargé de racheter les terres aux colons grâce à l’argent accumulé par l’imposition des travailleurs immigrés et à l’exploitation des mines. Cet organisme permit également au clan royal de renforcer son autorité. Mais, après la guerre des Boers, le Swaziland est devenu un protectorat britannique, et l’anglais remplaça le néerlandais (écrit) et l’afrikaans (oral).
3.2 Le Swaziland indépendant
En novembre 1963, la Grande-Bretagne promulgua la Constitution menant à l’indépendance du Swaziland et mit en en place le Conseil législatif et le Conseil exécutif; le premier Conseil législatif du Swaziland fut constitué le 9 septembre 1964. La Grande-Bretagne accepta de modifier la première Constitution qui prévoyait la mise en place de l’Assemblée et du Sénat, puis des élections en 1967. Le Swaziland indépendant héritait d’une monarchie constitutionnelle, avec un roi, un parlement et un premier ministre élus, comme en Grande-Bretagne. C’était en somme, le régime préféré des Britanniques!
Le Swaziland accéda à l’indépendance le 6 septembre 1968. Cependant, l’indépendance ne conduisit pas à la démocratie, car en 1973 le roi Sobhuza II abolit la Constitution, assuma tous les pouvoirs et interdit les partis politiques. L’anglais fut reconduit dans son statut de langue officielle, mais le swati obtint un statut similaire. En tant que langue nationale parlée alors par près de 90 % de la population, il paraissait normal d’accorder le même statut au swati (première langue officielle). C’est depuis 1973 que le Swaziland est gouverné par décrets royaux.
Après la mort de Sobhuza II en 1982 (après soixante ans de règne), une longue période de lutte pour la succession s’ouvrit. Il faut dire que le roi avait été polygame (quelque 70 épouses royales) et que 67 fils prétendaient au trône, tandis que ses 100 épouses convoitaient la régence. Ce n’est qu’en 1986, après de violents conflits au sein du clan royal des Dlaminis, que le prince héritier Makhosetive fut finalement couronné, sous le nom de Mswati III.
Le nouveau roi, de langue swatie et anglophile, apparut rapidement comme un souverain autoritaire, refusant à l’opposition démocratique et moderniste le droit de s’exprimer, et rejetant la Constitution calquée sur celle du Royaume-Uni, car «en contradiction avec les traditions swazies». Mswati III se proclama Ngwenyama («le Lion») et nomma la reine mère Ndlovukazi («lady Éléphant») parce qu’elle était la mère du roi (d’où le surnom de «Grande Éléphante»); les nombreuses épouses (une quinzaine) du souverain portèrent le titre de «mères de la nation»; le roi doit être polygame afin de perpétuer la dynastie. Même si le roi, à la fois chef de l’État et chef de l’armée, a privilégié la valorisation de la langue swatie, ses méthodes arbitraires ont provoqué une vague de contestation populaire. Le système de gouvernement du Swaziland, connu sous le nom de Tinkhundla, est un mélange de style occidental et de style traditionnel, où le roi avec son conseil dispose d’un pouvoir prépondérant.
En 1992, le roi Mswati III éleva la capitale administrative (Mbabane) au rang de ville, mais la petite municipalité de Lobamba au sud de Mbabane resta la capitale royale et législative du Swaziland.
Au milieu des années 1980, la monarchie swatie dut entrer dans un lent processus de démocratisation. Les pressions extérieures et la contestation des mouvements d’opposition et des associations de défense des droits de l’Homme remirent en question cette monarchie absolue, d’autant plus que le libéralisation de l’Afrique du Sud et au Mozambique attisèrent l’impatience de la population. Mswati III promit en 1997 de procéder à une réforme constitutionnelle et de donner plus de pouvoir au peuple. La nouvelle Constitution était patiemment attendue vers 2002, mais ce ne fut que le 31 mai 2003, après un retard de sept ans, que Mswati III a finalement dévoilé le projet d’une nouvelle constitution nationale pour le Swaziland, un projet qu’il a fini par approuver le 14 novembre 2003. La nouvelle Constitution prévoit que le pouvoir du gouvernement restera fermement entre les mains de la monarchie, tout en reconnaissant le respect des droits de l’Homme, mais en ne faisant aucune allusion à une reconnaissance quelconque des partis politiques (perçues comme des «associations»). Récemment, Mswati III déclarait que «la démocratie était une mode qui ne convenait pas au Swaziland». La nouvelle Constitution ne changea rien de fondamental à l’absolutisme royal.
Par ailleurs, le Swaziland est l’un des pays les plus affectés par le sida à travers toute l’Afrique. En effet, plus de 40 % de la population est infectée par ce type de maladie. Par voie de conséquence, l’âge moyen de décès au Swaziland est passé de 54 ans en 1990, à environ 35 ans en 2004, ce qui fait qu’une famille sur dix peut être dirigée par des enfants. Afin de résoudre cette crise, le roi avait décrété en 2001 une loi sur la chasteté, qui bannissait les relations sexuelles avant l’âge de 21 ans sous peine d’amende.
La même année, les Nations unies rapportaient que le pays avait besoin de 19 millions de dollars de toute urgence pour assurer la survie d’un quart de la population menacée par la famine, après une année de sécheresse. Plus de 500 000 Swazis, sur un million d’habitants, sont déjà touchés par un sérieux manque de nourriture. De plus, 69 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour pour se loger, se nourrir et se vêtir. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant que le gouvernement swazi soit au bord de l’asphyxie budgétaire. Il a dû faire appel au FMI qui lui a conseillé de dégager des économies. Les autorités ont ainsi proposé de baisser les salaires des fonctionnaires de 5 % à 10 %, puis de les geler pendant trois ans.
Lors de son 36e anniversaire de naissance en avril 2004, Mswati III, dans un discours en swazi, a salué le rôle «unificateur» des célébrations royales (au coût d’environ 525 000 $ US), diffusées sur la radiotélévision nationale; il a appelé ses sujets à «perpétuer la tranquillité swazie qui a fait de notre nation l’objet d’envie de la communauté internationale». En plus de posséder une fortune estimée à 200 millions de dollars, le monarque du Swaziland a obtenu en 2002 la permission du Parlement pour acheter un avion de 50 millions de dollars. En 2004, il a utilisé des fonds pour construire des palais pour chacune de ses 13 femmes, en plus de leur acheter; l’année suivante, des voitures BMW individuellement. En 2014, Mswati III a augmenté de plus de 10 % son budget personnel, même si une forte masse salariale publique continuait à faire pression sur les finances publiques. Quant aux États-Unis, ils ont menacé de fermer la porte du marché américain au Swaziland. En principe, Washington s’est montré inquiet du non-respect de la justice dans le pays; non seulement les États-Unis ont dû rappeler la monarchie à l’ordre, mais ils ont remis en cause son admissibilité à l’African Growth and Opportunity Act.
Sous son règne, Mswati III favorise manifestement les inégalités sociales, puisque la distribution des richesses est contrôlée par une petite élite proche du pouvoir. En effet, même si 63 % de la population vit sous le seuil de la pauvreté, 10 % de la population, composée essentiellement des membres de la famille royale, possèdent à eux seuls 60 % de la richesse totale du pays. Pendant que le roi vit dans la prospérité, son peuple vit dans la plus grande pauvreté. La question des minorités zouloues et tsonga n’a jamais inquiété le monarque.
4 La politique linguistique
Le 26 juillet 2005, le roi Mswati III avait signé la nouvelle Constitution du royaume, qu’il avait demandée en 1996. Bien que le Parlement du Swaziland eût approuvé à l’unanimité, le 13 juin 2005, un projet de Constitution, le roi Mswati III avait retourné le document, le 5 juillet 2005, en ordonnant aux juristes de revoir plusieurs dispositions concernant la religion, la taxation de la famille royale et les droits des femmes. Après que le Parlement eût procédé aux modifications exigées, le roi Mswati III a accepté de signer la Constitution et a annoncé qu’elle entrerait en vigueur six mois plus tard. Le 8 février 2006, la nouvelle Constitution (la loi n° 001) était promulguée.
La politique linguistique du Swaziland en est une de bilinguisme institutionnelle. L’article 3 de la Constitution du 8 février 2006 proclame que le swati (ou siswati) et l’anglais sont les les langues officielles du Swaziland:
Il reste maintenant à évaluer de quelle façon est pratiqué ce bilinguisme swati-anglais.
4.1 Le bilinguisme de l’État
Le bilinguisme se concrétise d’abord dans les Chambres du Parlement. L’article 121 de la Constitution de 2006 prévoit l’usage des deux langues officielles:
Effectivement, les procès-verbaux et les débats se déroulent en swati et en anglais, mais le swati est davantage utilisé. Toutefois, les parlementaires ont tendance à discuter en swati à partir de la version anglaise des lois.
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