29 août 2016 | En Afrique du Sud, les lycéennes noires pétitionnent pour porter leurs cheveux au naturel

A Pretoria, une pétition a été lancée pour dénoncer le règlement raciste d’un lycée pour filles, où une élève a été menacée d’exclusion pour avoir refusé de se lisser les cheveux.
Tout serait parti d’une histoire de cheveux. Zulaikha Patel, une adolescente de 13 ans, aurait été menacée d’exclusion par son lycée, le Pretoria High School for Girls, dans la capitale administrative de l’Afrique du Sud, car elle ne respectait pas la réglementation capillaire de l’établissement. Noire de peau, la jeune fille possède une chevelure naturellement crépue. Une coupe afro qu’on lui aurait demandé de lisser pour les attacher. Cette raison est celle avancée par la direction de l’établissement, lorsque les parents de la jeune fille ont réclamé des explications. Elle en a fait bondir plus d’un, et une pétition a été lancée pour dénoncer le «règlement raciste» de ce lycée, qui empêcherait les jeunes filles noires de porter leurs cheveux au naturel. Près de 10 000 signatures ont été recueillies ce mardi.
Pas un simple problème de cheveux
«Le problème à Pretoria High School for Girls ne s’arrête pas à une simple question de cheveux. C’est du racisme pur et dur.» Sur sa page Facebook, Leno Madiba Lokotwayo, qui se présente comme «la tutrice de [sa] nièce, qui est élève» dans l’établissement en question, rapporte une version qui corrobore celle de plusieurs lycéennes. Selon elle, Zulaikha Patel, «la fille aux cheveux incontrôlables», aurait été menacée de sanction après un exposé en classe sur le «marché de l’emploi en Afrique du Sud», dressant un parallèle «pré et post-apartheid». La jeune fille aurait été coupée avant la fin de son exposé, emmenée dans le bureau de la direction du lycée et menacée de suspension. «Lorsque ses parents l’ont découvert, ils [la direction] ont utilisé la réglementation capillaire de l’école contre elle».
Le cas de Zulaikha ne serait pas isolé. Dans un reportage du journal sud-africain Daily Maverick, des élèves noires expriment leur ras-le-bol. Malaika Maoh Eyoh, 17 ans, se souvient du jour où elle a «coupé ses cheveux défrisés pour se faire pousser un petit afro». Un enseignant lui aurait dit que sa coiffure était une source de distraction pour ses camarades. «C’était agressif et j’avais peur de retourner à l’école». D’autant plus que dans le règlement de l’établissement, aucune règle n’est inscrite à ce sujet. Les pressions viendraient de certains enseignants. D’autres jeunes filles rapportent d’ailleurs que des professeurs leur interdisent de s’exprimer en afrikaans, les accusant de comploter. Mais deux événements ont particulièrement poussé les lycéennes à protester : la mésaventure de Zulaikha Patel, et celle d’une autre camarade, qui «s’est présentée à la cantine avec un turban» sur la tête -un accessoire mal vu dans ce lycée huppé. Après avoir été sommée de le retirer, plusieurs de ses camarades ont porté le turban pour lui affirmer leur soutien. Pour Malaika, malgré la bonne qualité de l’enseignement du lycée, «il y a des choses qui doivent être dites».
Des divisions raciales toujours présentes après 22 ans de démocratie
Contacté par Libération, l’établissement n’a souhaité faire «aucun commentaire» sur cette affaire. De nombreux parents d’élèves se sont émus, regrettant que de tels événements aient encore lieu «au bout de 22 ans de démocratie». Lundi, le ministre provincial de l’Education Panyaza Lesufi, à qui les auteurs de la pétition réclamaient que des «actions disciplinaires soient engagées contre les professeurs qui mettent en place des politiques racistes», s’est rendu dans l’établissement. Il a demandé à l’école de présenter des excuses aux élèves. En Afrique du Sud, bien que l’apartheid soit terminé depuis 1994, les divisions raciales restent un problème majeur. De nombreux étudiants dénoncent le racisme et l’absence de transformation raciale au sein des universités du pays. Mais le problème des diktats capillaires s’exporte aussi en France.
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