26 AOÛT 1940 | Cameroun – Coup d’Etat du colonel Leclerc

Il y a soixante-dix ans, le maréchal Leclerc, alors capitaine, débarque en Afrique. On est en août 1940 et la conquête des territoires occupés par les ennemis de la France libre commence. À la tête d’une colonne de véhicules et de fantassins – dont une majorité de tirailleurs africains– Leclerc va remonter jusqu’en Afrique du Nord. C’est la colonne Leclerc, qui devient trois ans plus tard la 2e D.B. La participation massive des Africains prépare le terrain de la décolonisation.

«Moi, général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, […] à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas». Ainsi se concluait l’appel du général de Gaulle lancé le soir du 18 juin 1940 sur les ondes de la B.B.C. La France libre était créée.

Le 25 juillet, le capitaine Philippe de Hautecloque se présente au général de Gaulle à Londres sous le pseudonyme de Leclerc. Formé à Saint-Cyr puis à l’école de cavalerie de Saumur, Leclerc a débuté la Seconde Guerre mondiale sur le front belge. Deux fois prisonnier, deux fois évadé, il a gagné l’Espagne pour rejoindre Londres. De Gaulle le nomme aussitôt commandant et lui donne pour mission de rallier l’Afrique équatoriale française à la France libre. Depuis le 11 juillet 1940 et l’arrivée au pouvoir du maréchal Philippe Pétain, la France et ses territoires étaient dirigés par le régime de Vichy, favorable à la collaboration avec l’Allemagne nazie.

Les « Trois glorieuses »

Avec René Pleven et les capitaines André Parant et Claude Hettier de Boislambert, le capitaine Leclerc débarque le 12 août à Lagos, au Nigéria. De là, il rejoint le Tchad* où le gouverneur Félix Eboué déclare son ralliement à la France le 26 août. L’Oubangui-Chari (actuelle République centrafricaine) le suit. Dans la nuit du 26 au 27, Leclerc et Boislambert débarquent d’un petit bateau au Cameroun et proclament l’autorité de De Gaulle à Douala. Le commandant Louis Dio, qui arrive de Fort-Lamy (Ndjamena) à la tête d’un détachement du régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad, les rejoint. Le 28, le colonel Edgard de Larminat prend possession des bâtiments de gouvernement général à Brazzaville. En trois jours seulement – les «Trois glorieuses» – l’AEF est presque conquise. Seul le Gabon résiste encore.

En septembre, encouragé par ce succès, le général de Gaulle tente d’obtenir le ralliement de Dakar et de l’Afrique occidentale française. L’opération pacifique échoue et tourne à l’affrontement entre les flottes vichyssoise et anglaise (24-25 septembre).

Le 8 octobre 1940, De Gaulle arrive à Douala. La ville est en liesse. Avec Larminat – qui vient d’être nommé général et haut-commisaire pour l’Afrique équatoriale – et le colonel Leclerc, le général de Gaulle établit une stratégie pour envahir la Libye, sous domination italienne depuis 1913. Les premiers bataillons de marche noirs sont créés : BM1 (Congo), BM2 (Oubangui-Chari), BM3 (Tchad), BM4 (Cameroun).

Des habitants de l’Afrique occidentale française (AOF), Africains ou Européens, rejoindront les centres de recrutement de l’AEF, bravant les autorités de Vichy de la colonie.

Le 27 octobre, le colonel Leclerc, assisté du capitaine Pierre Koenig, lance l’offensive contre le Gabon. Les forces de Vichy résistent mais finissent par tomber le 8 novembre. L’Afrique équatoriale française est entièrement ralliée. La France libre n’est plus un concept d’une poignée d’irréductibles, elle existe désormais territorialement. Sa capitale est Brazzaville.

L’épopée de la colonne Leclerc

Le colonel Leclerc est envoyé au Tchad où il est promu commandant militaire. Le pays, frontalier de la Libye, est transformé en une gigantesque base avancée. Au régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad dont il a pris le commandement, Leclerc associe d’autres unités provenant du Congo, de l’Oubangui-Chari et du Gabon. Au total, ce sont 6 000 hommes – dont seulement 500 Européens – qui composent cette nouvelle «colonne saharienne». L’offensive contre la Libye peut commencer.

Le 2 décembre 1940, le colonel Leclerc prépare la prise de Koufra, une ville du sud-est de la Libye. Il réunit une centaine de camionnettes équipées de mortier et de mitrailleuse, 350 hommes et part s’installer à Faya-Largeau dans le Nord tchadien. Le 1er mars 1941, à la tête de cette petite armée, il attaque, soutenu par les Forces aériennes françaises libres (FAFL), et s’empare de Koufra.

Leclerc rentre à Fort-Lamy pour préparer l’invasion du Fezzan. L’opération a pour objectif de soutenir l’avancée des Britanniques en Libye qui est freinée par l’Afrikakorps du maréchal allemand Erwin Rommel, débarquée en Libye à la fin de février 1941. Mais une longue préparation s’impose. Le Fezzan, situé au sud-ouest du pays et grand comme la France, est solidement tenu par des garnisons italiennes. Plutôt que de lancer une vaste offensive qui aurait probablement été écrasée, Leclerc choisit d’affaiblir les forces italiennes par des coups de main. Pendant un mois, du 15 février 1942 à la mi-mars, ses véhicules, appuyés par le groupe d’aviation «Bretagne», lancent des raids dévastateurs contre les positions ennemies. Cette première campagne est couronnée de succès. Le 25 mars, le colonel Leclerc est nommé commandant supérieur des troupes de l’Afrique française libre et en août, général de brigade.

Le 8 novembre 1942, les troupes anglo-américaines débarquent en Afrique du Nord. L’AOF. rejoint la France libre. Le 14 novembre, le général de Gaulle ordonne au général Leclerc de s’emparer totalement du Fezzan et de Tripoli pour rejoindre l’armée alliée. Après avoir parcouru près d’un millier de kilomètres, les 5 000 hommes de Leclerc et le groupe «Bretagne» passent à l’offensive le 22 décembre. En seulement deux semaines, ils parviennent à conquérir l’ensemble du Fezzan. La région est placée sous l’autorité du colonel Raymond Delange. La route de Tripoli est ouverte.

Le 25 janvier 1943, la colonne Leclerc y fait son entrée.

Le 12 février, en Tunisie, la colonne Leclerc devient la Force L et intègre la 8e armée britannique. La campagne de Tunisie commence. Elle va durer trois mois face à une résistance acharnée de l’armée allemande. Tunis est libérée le 7 mai. A la tête d’un détachement de tirailleurs, Leclerc y défile le 20 mai. Il est désormais général de division. Le 30, la Force L est rebaptisée 2e Division française libre et le 24 août, 2e Division blindée. Leclerc est alors au Maroc. La conquête de l’Afrique est terminée.

Une nouvelle page de l’histoire de la 2e D.B. se tourne. En avril 1944, elle est affectée à la 3e armée américaine du général Patton basée en Angleterre. Elle participe au débarquement de Normandie, libère Paris le 25 août, Strasbourg le 23 novembre, Royan le 18 avril 1945 et s’empare du «Nid d’aigle» de Hitler à Berchtesgaden à la veille de la capitulation allemande le 8 mai 1945. La 2e D.B. est dissoute le 31 mars 1946.

Le 28 novembre 1947, le général Leclerc trouve la mort dans un accident d’avion près de Colomb-Béchar (actuel Béchar, en Algérie). Il est inhumé aux Invalides, à Paris, et élevé à la dignité de maréchal de France à titre posthume le 7 mai 1952.

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* Les Français du Tchad ont adressé un message de soutien au général de Gaulle dès le 29 juin 1940.

Sources :
Le site de la France libre
Mémorial Leclerc et musée de la Libération de Paris
Fondation Leclerc de Hauteclocque
À consulter :
Soldats de la république : les tirailleurs sénégalais dans la tourmente
France mai-juin 1940
. Jean-François Mouragues. Editions L’Harmattan.

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