5 août 1964 | RDC – La plus grande prise d’otages du 20e siècle

Le 5 août 1964, des re­belles congo­lais s’em­pa­raient de la ville de Stan­ley­ville (au­jour­d’hui Ki­san­gani, dans le nord-est de la Ré­pu­blique dé­mo­cra­tique du Congo) et al­laient re­te­nir en otages plus de 1.600 per­sonnes, dont 525 Belges, alors que des si­tua­tions si­mi­laires se re­pro­dui­saient dans d’autres villes de l’est congo­lais.

Cette “plus grande prise d’otages du 20e siècle” n’a pris fin que le 24 no­vembre sui­vant par une au­da­cieuse opé­ra­tion com­bi­née, aé­ro­por­tée amé­ri­cano-belge “Dra­gon rouge” et ter­restre congolo-belge, connue sous le nom d'”Om­me­gang”, qui s’est tou­te­fois sol­dée par une pe­tite tren­taine de morts dans les rangs oc­ci­den­taux et bien plus dans les rangs de la ré­bel­lion.

En ce mois d’août 1964, le jeune État du Congo (ex-belge), in­dé­pen­dant de­puis quatre ans, a déjà connu une his­toire trou­blée, faite de mu­ti­ne­ries de l’Ar­mée na­tio­nale congo­laise (ANC), de sé­ces­sions et de ré­bel­lions di­verses, an­non­cia­trices de dé­cen­nies de conflits qui per­durent au­jour­d’hui, prin­ci­pa­le­ment dans l’est.

Le Congo est di­rigé par un gou­ver­ne­ment de salut pu­blic conduit par l’ex-lea­der de la sé­ces­sion ka­tan­gaise, Moïse Ts­hombé, sous la pré­si­dence de Jo­seph Kava-Vubu. Il est confronté à de nou­veaux troubles, après une ré­volte qui a éclaté quelques mois plus tôt sous la di­rec­tion de Pierre Mu­lele, au Kwilu, un dis­trict situé à l’est de la ca­pi­tale, Léo­pold­ville (de­ve­nue Kin­shasa). S’y joint une ré­bel­lion par­tie le 15 mai d’Uvira (Sud-Kivu) sous les ordres de Gas­ton Sou­ma­liot, le lea­der du MNC-Lu­mumba (le parti du pre­mier Pre­mier mi­nistre du Congo in­dé­pen­dant, Pa­trice Emery Lu­mumba, des­ti­tué puis as­sas­siné en jan­vier 1961) dans la pro­vince du Ma­niéma (est) et de son aile mi­li­taire, l’APL (Armée po­pu­laire de Li­bé­ra­tion) com­man­dée par le “gé­né­ral” Ni­co­las Olenga.

Ra­pi­de­ment, cette ré­bel­lion Simba (lion) pro­gresse à une vi­tesse ful­gu­rante vers l’ouest, s’em­pa­rant de pans en­tiers du ter­ri­toire congo­lais. Le 15 juillet, elle conquiert Kindu, le chef-lieu du Ma­niema, puis entre le 5 août dans Stan­ley­ville, qua­si­ment aban­don­née par les sol­dats de l’ANC. Pau­lis, le chef-lieu du dis­trict du Haut-Uélé, situé à 350 ki­lo­mètres au nord de “Stan”, tombe le 19 août.

Dans ces deux villes, les re­belles Maï-Maï convain­cus de leur in­vin­ci­bi­lité face aux balles grâce à des pra­tiques de magie et dont les rangs ont grossi au fil de leur pro­gres­sion, font im­mé­dia­te­ment com­prendre aux ex­pa­triés (prin­ci­pa­le­ment des Belges, au nombre de 525, mais aussi quelque 50 Amé­ri­cains, des Bri­tan­niques, des In­diens, des Pa­kis­ta­nais, des Grecs, des Chy­priotes, des Sou­da­nais…) qu’il leur est in­ter­dit de quit­ter les lieux.

En vio­la­tion de toutes les lois in­ter­na­tio­nales, ils sont ainsi re­te­nus en otages, vic­times de me­naces, de vols, de mau­vais trai­te­ments, de bri­mades, de vio­lences – par­fois mor­telles – com­mises du­rant trois mois et demi par la ré­bel­lion, qui s’est entre-temps re­bap­ti­sée “gou­ver­ne­ment ré­vo­lu­tion­naire” de la Ré­pu­blique po­pu­laire Congo, sous la pré­si­dence de Chris­tophe Gbe­nye, re­con­nue par sept pays dont l’ex-URSS et l’Égypte du pré­sident Gamal Abdel Nas­ser.

La Bel­gique est alors re­pré­sen­tée à Stan­ley­ville par un jeune consul, Pa­trick No­thomb, en­voyé par l’am­bas­sade de Léo­pold­ville une se­maine avant l’ar­ri­vée des re­belles et sur les épaules du­quel va peser le poids de né­go­cier au jour le jour avec les chefs re­belles pour dé­fendre ses ad­mi­nis­trés cap­tifs.

Jus­qu’au matin du 24 no­vembre, quand 320 membres du 1er ba­taillon pa­ra­chu­tiste, ren­for­cés par des élé­ments du 2e ba­taillon com­mando et pla­cés sous les ordres du com­man­dant du ré­gi­ment para-com­mando, le co­lo­nel Charles Laurent, sautent sur Stan­ley­ville de­puis des avions de trans­port C-130 amé­ri­cains venus de France. Ils viennent d’ef­fec­tuer – dans un se­cret quasi-ab­solu – un long pé­riple au Kleine-Bro­gel (Lim­bourg), avec des es­cales sur l’île bri­tan­nique d’As­cen­sion, dans l’océan At­lan­tique, et à Ka­mina, au Ka­tanga.

Au sol, les troupes de l’opé­ra­tion “Dra­gon rouge” font leur jonc­tion avec la co­lonne de la 5e bri­gade mé­ca­ni­sée, alias l'”Om­me­gang”, ainsi nom­mée en rai­son de son ca­rac­tère hé­té­ro­clite – elle ras­semble en effet de sol­dats de l’ANC, des gen­darmes ka­tan­gais, des Cu­bains, des of­fi­ciers et sous-of­fi­ciers oc­ci­den­taux, des mer­ce­naires – sous les ordres du co­lo­nel Fré­dé­ric Van­de­walle.

Les paras li­bèrent les otages, au prix de 24 morts, prin­ci­pa­le­ment lors d’une fu­sillade avec les Sim­bas.

Le 26 no­vembre, les paras ré­éditent l’opé­ra­tion en sau­tant sur Pau­lis sous le nom de “Dra­gon noir” et mettent les re­belles en dé­route. Otages li­bé­rés et mi­li­taires se re­plient à Ka­mina, avant de ren­trer en Bel­gique.

Au total, l’in­ter­ven­tion de 569 para-com­man­dos a per­mis de li­bé­rer 2.375 otages de toutes na­tio­na­li­tés au prix de deux morts – l’un à Stan­ley­ville, l’autre à Pau­lis – et de douze bles­sés dans leurs rangs. Mais cette ré­bel­lion a fait quelque 420 morts parmi les ex­pa­triés et des mil­liers de vic­times congo­laises, sans comp­ter celles de la ré­pres­sion après la re­prise en main des zones li­bé­rées par le gou­ver­ne­ment cen­tral.


Source: Kongo Time

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