21 juillet 1963 | Signature au Cameroun de la première convention d’association entre la Communauté économique européenne et États africains

Une convention « ouverte » avec l’Afrique Après bien des vicissitudes la nouvelle convention d’association entre la C.E.E. et les pays africains et malgache est signée samedi à Yaoundé (Cameroun).
C’est le 20 décembre dernier, en effet, que ce document avait été paraphé à Bruxelles avec un certain retard sur le calendrier initialement prévu. La rupture des négociations avec la Grande-Bretagne devait repousser de plusieurs mois la date de la signature, les Pays Bas et l’Italie ayant invoqué divers prétextes pour retarder cette opération. Comme les procédures de ratification doivent maintenant se dérouler, c’est au plus tôt le 1er janvier 1964 que ce texte entrera en vigueur. En fait, ce hiatus d’un an entre l’ancienne et la nouvelle convention n’aura pas de conséquences graves pour les Etats associés.
Des mesures transitoires ont été décidées en effet par les Six au début d’avril : la commission du Marché commun est autorisée à utiliser les réserves du Fonds européen de développement pour financer les investissements demandés pour 1963 par les Etats africains associés. La convention de Yaoundé obéit aux mêmes grands principes que la première, mais des « touches nouvelles » importantes y apparaissent.
1- Les techniques financières sont beaucoup plus différenciées. Pour compléter les actions du Fonds européen de développement la Banque européenne d’investissement pourra intervenir, et surtout, aux classiques aides non remboursables s’ajouteront des prêts, des bonifications d’intérêts, des avances pour régularisation des cours des produits tropicaux, le montant global de l’aide ayant au reste été augmenté de quelque 38 %.
2- L’accent est mis beaucoup plus nettement sur la coopération technique. Les projets pour l’infrastructure économique et sociale constituaient l’essentiel, et de loin, des actions de la Communauté depuis 1958. Mais, à l’expérience, on s’est aperçu qu’il fallait beaucoup mieux préparer l’accueil des capitaux si l’on voulait vraiment fertiliser l’économie. Aussi la Communauté aura désormais le pouvoir de financer sur le Fonds des études de programmation, de développement régional, la préparation des dossiers, le contrôle technique des travaux, etc. En outre, des experts et des techniciens pourront être envoyés pour une mission déterminée, des bourses accordées dans les universités et instituts spécialisés des Etats associés ou à défaut des Etats membres du Marché commun, etc.
3- Des ouvertures sur le monde extérieur sont plus largement pratiquées. Les jeunes Etats ont accepté des réductions sensibles du tarif extérieur commun et donc de la « préférence » sur de grands produits tropicaux. Des facilités nouvelles d’importation seront donc ainsi données à des pays concurrents comme ceux d’Amérique latine. Ajoutons que l’extinction du régime des « surprix » que la France consentait aux productions d’outre-mer est prévue, avec un échelonnement dans le temps. Pour compenser ces entailles dans le système « régionaliste », des aides spéciales permettront aux jeunes Etats d’adapter progressivement leurs productions au marché mondial et de diversifier leurs cultures. Les pays associés vont donc se tourner davantage vers le commerce mondial, mais M. Rochereau, membre de la commission du Marché commun, a tenu en outre vendredi, au cours de sa conférence de presse, à insister sur le caractère « ouvert » de cette convention. Il y a plusieurs mois, M. Luns, ministre hollandais des affaires étrangères, avait réaffirmé hautement cette notion à l’intention des pays du Commonwealth, et les Six avaient finalement indiqué que trois voies étaient ouvertes : l’adhésion à la convention eurafricaine, l’association au Marché commun sans caractère institutionnel (type Grèce, Turquie), de simples engagements commerciaux. Dans quelle direction s’orienteront les pays du Maghreb ? Il est trop tôt pour le dire, mais il est vraisemblable que les négociations ne pourront être menées, hélas ! qu’en ordre dispersé.
Source: Le Monde. dir. de publ. Beuve-Méry, Hubert. 21.07.1963, n° 5 757; 20e année. Paris: Le Monde. “Une convention « ouverte » avec l’Afrique”, p. 1.