2 mai 1896 | Du traité d’Ucciali à la victoire d’Adoua en Ethiopie

Dans l’histoire de l’Afrique coloniale, une bataille symbolise la brillante résistance des Africains face aux puissances impérialistes européennes : c’est le triomphe d’Adoua, véritable désastre pour l’armée italienne. L’Ethiopie signait ainsi son entrée sur la scène internationale et dans l’histoire moderne de l’Afrique.

Menelik II d’Ethiopie

En Ethiopie, après le règne de Johannès, monte sur le trône une des plus grandes figures du XIXe siècle africain : Ménélik II (1889-1913). Dans sa province du Choa, il avait lancé une politique de modernisation et de renforcement par achat massif d’armes modernes qu’un commerce interlope lui procurait. Profitant des troubles causés sur la Mer Rouge par le soulèvement mahdiste, les Européens avaient mis la main sur les ports de la Mer Rouge, les Italiens à Massawa, les Anglais à Zeila et les Français à Obok puis à Djibouti. Johannès avait riposté à la tentative de pénétration des Italiens dans le Tigré en anéantissant une colonne italienne à Dogali (en 1878).

Les Italiens, ayant toujours soutenu Ménélik, pensèrent que le moment était venu pour eux de pousser leur avantage. Ils crurent y avoir réussi par le traité de d’Ucciali (1889) qui (du moins dans le texte italien) déclarait que le Négus s’engageait à recourir au gouvernement italien pour ses relations extérieures, alors que la version amharique dit seulement que le Négus consent à recourir, etc. Nuance diplomatique !

En tout cas, Ménélik commença par accepter un prêt de 4 millions de francs qui était garanti par le contrôle italien sur les douanes du Harrar et par l’annexion de cette province en cas de non remboursement. Il reçut même du roi d’Italie 38 000 fusils et 28 canons.

Dès 1890, Ménélik, après avoir traité avec son voisin européen le plus gourmand, se tournait vers les autres et déclarait avec une fermeté non dénuée de hauteur de la part de ce vieil empire africain : «Je n’ai pas l’intention de regarder les bras croisés les puissances arrivées d’outre-mer avec l’intention de partager l’Afrique.» Mais la même année les Italiens fondent l’Erythrée et pour amadouer Ménélik et l’amener à accepter cette annexion, ils lui font cadeau de 2 millions de cartouches.

Ménélik prit les cartouches, remboursa son emprunt, puis dénonça le traité d’Ucciali et, lançant aussitôt un appel à la nation éthiopienne pour une levée en masse, il entraîna vers le Nord même le Ras Mangasha du Tigré qui avait un moment flirté avec les Italiens. Quand le général Baratieri revint de Rome avec l’appui du gouvernement italien, il reçut un dernier câble du Ministre des Affaires Etrangères, Crispi, lui demandant «une victoire authentique, c’est-à-dire sans équivoque».

La bataille d’Adoua

Il attaqua les Ethiopiens à Adoua le 1er mars 1896. C’était un jour de fête pour l’Eglise éthiopienne et Baratieri pensa que beaucoup de guerriers seraient pris à Aksoum par les rites religieux. En fait, il rencontra une armée nationale de 70 000 hommes, armés jusqu’aux dents et frémissante de patriotisme. Baratieri s’embrouilla au dernier moment entre ses cartes (qui étaient fausses), et les indications de ses guides.

Quand il prit enfin position, il fut aussitôt environné par une marée humaine. Le général italien étant tué, son aile gauche formée de Somali déferla en direction du centre, semant la panique. 8 000 Italiens et 4 000 axillaires furent tués.

C’était un désastre pour les Italiens. Adoua retentit en Europe comme un coup de tonnerre et plaça définitivement l’Ethiopie sur la carte internationale.

En effet, les Italiens signèrent un traité humiliant qui annulait Ucciali et reconnaissait la souveraineté de l’Ethiopie. Les délégations étrangères pullulèrent aussitôt à Addis Abeba (la fleur nouvelle). Cette nouvelle capitale avait été fondée par Ménélik en 1893. Elle alliait les avantages de sa position centrale au charme d’un ciel lumineux et aux agréments des boisements d’eucalyptus. La France prit le contrôle du chemin de fer de Djibouti à Addis Abeba non sans que Ménélik ait bloqué le projet quand il apprit avec fureur que la compagnie privée, qu’il avait agréée, avait vendu ses droits à un gouvernement étranger. Les relations s’améliorèrent par la suite.

Les conquêtes faites sous Ménélik et soigneusement relevées sur des cartes, furent, pour la plupart, sanctionnées par des traités avec les puissances voisines : Grande-Bretagne, France et Italie. L’Ethiopie moderne était née.

Conclusion

Dès 1906, Ménélik est partiellement paralysé et meurt en 1913. C’était un vrai leader moderne, qui avait profondément compris le cours de l’histoire et avait vigoureusement assuré la permanence du plus vieux royaume d’Afrique. Ménélik pensait à tout en termes de progrès pour l’Ethiopie. Il abolit l’esclavage, décida l’enseignement obligatoire et projeta l’établissement d’un code de droit moderne. Mais ses campagnes et sa maladie ne lui permirent pas de réaliser tous ses vastes desseins.

Son successeur s’attira la colère de ses sujets en professant ouvertement l’Islam. La noblesse le fit déposer et proclama impératrice la fille de Ménélik, Zaoudit, avec comme régent et héritier, le Ras Tafari, futur Haïlé Sélassié Ier eÒn 1930.

(Extraits de : «Histoire de l’Afrique noire» de Joseph Ki-Zerbo).

Lire aussi: Un pays qui n’a jamais été colonisé: La longue conquête vaine italienne de l’ETHIOPIE

Traité d’Ucciali entre Italie et Éthiopie (PDF)

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