21 Mars 2012 | Mali : Coup d’Etat militaire

Après plusieurs heures de combats, des soldats mutins maliens ont déclaré jeudi matin avoir pris le contrôle du palais présidentiel à Bamako et avoir mis fin « au régime incompétent » du président Amadou Toumani Touré.
Des tirs d’armes lourdes avaient retenti dans la nuit de mercredi à jeudi, quelques heures après une attaque contre le palais présidentiel. « Nous savons maintenant que c’est un coup d’État qu’ils tentent », avait déclaré un membre du ministère de la Défense.
Des militaires mutins ont depuis annoncé sur les ondes de la radio-télévision nationale « la dissolution des institutions et la suspension de la Constitution » ainsi que la fermeture de « toutes les frontières jusqu’à nouvel ordre ».
Dans la matinée, une source aéroportuaire avait annoncé que l’aéroport de Bamako avait été fermé et les vols annulés « jusqu’à nouvel ordre » au départ et à destination de la capitale malienne.
Le lieutenant Amadou Konaré, qui s’est présenté comme le porte-parole du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE), a pris « l’engagement solennel de restaurer les pouvoirs à un président démocratiquement élu », une promesse qu’avait lui-même fait le dictateur écarté aujourd’hui, Amadou Toumani Touré, lorsqu’il avait pris le pouvoir en 1991.
L’armée affirme avoir procédé au coup d’État « considérant l’incapacité du régime à lutter de manière efficace contre les terroristes », faisant référence à la rébellion de groupes armés touareg dans le nord du pays, depuis la mi-janvier.
Le président renversé Amadou Toumani Touré serait toujours à Bamako dans un camp militaire. Une source militaire loyaliste a indiqué que M. Touré se trouvait avec des Bérets rouges de sa garde présidentielle.
Les auteurs du coup d’État ont indiqué que plusieurs personnalités avaient été arrêtées, dont le ministre des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga. Un couvre-feu a également été décrété par le président de la junte Amadou Sanogo, qui a pris le pouvoir au nom du CNRDRE.
Des chefs de l’armée loyalistes ont été placés en résidence surveillée, a indiqué un des mutins sous le couvert de l’anonymat. Ces assignations à résidence sont survenues quelques heures après le renversement du président Amadou Toumani Touré. « Actuellement, le calme est revenu », a-t-il précisé.
Le coup d’État condamné
À l’instar de l’Union européenne, la France a rapidement condamné le coup d’État militaire. L’ex-puissance coloniale a appelé le Mali à tenir des élections « le plus vite possible » et à respecter « les règles démocratiques et constitutionnelles ».
« Nous demandons le rétablissement de l’ordre constitutionnel, des élections, elles étaient programmées pour [le 29] avril, il faut qu’elles aient lieu le plus vite possible pour que le peuple malien puisse s’exprimer », a indiqué le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, sur les ondes de la radio Europe 1.
La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), dont le siège est à Abuja, a elle aussi « fermement condamné » le coup d’État des militaires.
La Banque mondiale a pour sa part annoncé qu’elle suspendait son aide au développement au Mali.
Revendications des mutins
Le Mali est confronté depuis le 17 janvier à des attaques de rebelles touareg dans la région du nord du Mali appelée Azawad. Ces combattants ont pris plusieurs villes dans cette région.
Les soldats mutins se disaient mal armés pour combattre ces groupes, rassemblés dans le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Les rebelles, eux, sont soutenus par des alliés lourdement armés, dont des membres de l’ancienne légion verte, la garde rapprochée de Mouammar Kadhafi, en Libye.
L’organisation islamiste Al-Qaïda au Maghreb, qui est présente sur ce territoire, appui elle aussi les troupes touareg et finance leur armement.
Début février, des femmes et des proches de soldats avaient manifesté dans plusieurs villes maliennes, dont Bamako, pour dénoncer le silence sur la situation de ces soldats et la « mollesse du pouvoir » face aux rebelles touareg.
La correspondante de Radio-Canada pour l’Afrique, Sophie Langlois, souligne par ailleurs qu’il y a deux semaines, l’armée nationale a été littéralement écrasée par les rebelles.
Les touaregs sont des nomades qui vivent dans des régions très arides, loin des capitales. Depuis plusieurs années, ils sont maintenus par le pouvoir central dans la pauvreté pour punir leurs ambitions autonomistes, explique Sophie Langlois.
Les ONG craignent une crise humanitaire
Au moins 200 000 Maliens ont trouvé refuge dans les pays frontaliers du Mali. Des camps de réfugiés ont émergé dans le désert, dans des pays comme le Burkina Faso et le Niger, qui vivent en ce moment l’une des pires sécheresses des dernières décennies.
Les ONG sur le terrain affirment que si rien n’est fait, dès maintenant, pour subvenir aux besoins alimentaires de la population, une famine aussi grave qu’en Somalie pourrait survenir dans ces régions.