18 janvier 1952 | Tunisie: Insurrection populaire contre l’occupant français

Ce jour correspond aussi à l’arrestation d’Habib Bourguiba après « la fin de non recevoir » du gouvernement français, par la lettre du 15 décembre 1951, au gouvernement Chenik venu négocier à Paris l’autonomie interne.
Et le peuple tunisien se révolta. Dans un gigantesque sursaut, il s’insurgea contre l’occupant, sa tyrannie et sa politique assimilationniste. Ce dernier répondit par la politique de la terreur, la répression massive, le massacre de populations civiles pacifiques et se discrédita face à l’opinion publique internationale.C’était à partir du 18 janvier 1952, une période houleuse, qui, de positions politiques en faits d’armes en passant par les mouvements sociaux contre la répression économique et sociale, forcera la France, puissance colonisatrice de l’époque, à reconnaître, le 30 juillet 1954, l’autonomie interne de la Tunisie, le 31 juillet, Mendès France la proclame à Tunis, puis le 20 mars 1956 son indépendance totale, après 75 ans d’occupation.
Déjà, et depuis le 23 août 1946, l’ensemble des formations politiques, professionnelles et sociales tunisiennes avaient créé un front national, réclamé à l’unisson l’indépendance de la Tunisie et engagèrent une lutte pacifique sans merci contre la présence française en Tunisie. Le front extérieur sera, depuis, beaucoup plus renforcé en Orient, comme en Occident, surtout aux Etats-Unis et plus précisément à l’ONU.
La mort suspecte, le 1er septembre 1948, à Pau, en France, de Moncef Bey, le roi martyr destitué par la France en mai 1943 puis déporté, attisa la colère des Tunisiens et renforça leur rejet de l’occupation.
Une action de grande envergure, conduite par les leaders du Mouvement national et à leur tête Habib Bourguiba, chef du parti du Néo-Destour, s’engagea alors sur l’ensemble du territoire en vue de mobiliser la population en faveur de toutes ces revendications.
La fronde
Le roi Mohamed Lamine Bey, bien soutenu par les leaders Salah Ben Youssef, Farhat Hached et Tahar Ben Ammar, multiplia les gestes à connotation indépendantiste. Le 27 juillet 1949, il réclama à la France des réformes consistantes, demande reformulée dans le même sens le 11 avril 1950.
Le 14 du même mois, Bourguiba déclara à Paris que la politique colonialiste française était dépassée et que celle-ci n’avait pour autre issue qu’un conflit déclaré avec le peuple tunisien. Le lendemain furent remis à la presse française les fameux sept points résumant les principales revendications tunisiennes à forte connotation indépendantiste.
La réponse des représentants des Français en Tunisie fut violente et même belliqueuse, mais le gouvernement français montra un peu plus de souplesse et essaya de tempérer l’ardeur des colons. Et le 20 juillet, celui-ci reconnut qu’il était devenu impossible de maintenir l’administration directe de la Tunisie. Mais la répression sanglante, le 20 novembre, de la grève agricole à Enfidha (cinq martyrs et 10 blessés) montra le vrai visage d’un gouvernement français encore otage de la volonté des colons.
Les réformes proposées par la France le 8 février 1951 conservèrent, cependant, la co-souveraineté. Vieux Destour et milieux zeitouniens fondèrent de leur côté un « Front national pour l’indépendance ». Et à partir de mai 1951, la relation entre le roi et le résident général de France commença à se détériorer. De connivence avec le Néo-Destour, le gouvernement tunisien présidé par M’hamed Chenik rejeta les réformes proposées et le 30 octobre remit à son homologue français une note dans ce sens.
Les colons français se déchaînèrent contre les Tunisiens et les organisations nationales décrétèrent la grève générale. Celle-ci eut lieu le 29 novembre. Le 15 décembre, le gouvernement français publia une note dans laquelle il réaffirmait sa politique de co-souveraineté et sa solidarité avec les colons. Le 17 décembre, les organisations nationales et à leur tête le Néo-Destour dénoncèrent la position française, et déclenchèrent une grève générale de trois jours.
Début janvier 1952, ils chargèrent S. Ben Youssef et M. Badra de se rendre en France dans le but d’inscrire la question tunisienne à l’ordre du jour de l’A.G. de l’ONU qui se tenait cette année-là à Paris. Ce qui provoqua la colère du gouvernement français.
Réprimée dans le sang
Le 13 janvier, Jean de Hauteclocque, le nouveau résident général, débarqua en Tunisie avec une attitude nettement belliqueuse. Tout de suite, il essaya d’intimider le roi, réclama la dissolution du gouvernement et interdit la tenue du congrès du Néo-Destour prévu pour le 18 du mois. Des manifestations éclatèrent alors le 17 janvier et Bourguiba prononça à Bizerte un discours incendiaire contre la politique de la France en Tunisie.
Le 18 du mois, les autorités françaises arrêtèrent des dizaines de leaders nationalistes, dont Bourguiba. Le Néo-Destour tint malgré cela son congrès sous la présidence du leader Hédi Chaker et réclama encore une fois l’indépendance totale.
L’Union générale tunisienne du travail (Ugtt), dirigée par le leader Farhat Hached, déclencha la grève générale. Tout cela favorisa le soulèvement du peuple tout entier. Des manifestations massives eurent lieu dans l’ensemble des villes du pays et des civils tunisiens tombèrent en martyrs, surtout à Kairouan et à Mateur. Cela incita l’entrée en action de la résistance armée, qui accomplit plusieurs opérations contre la gendarmerie française, surtout au Cap Bon et au Sahel.
Sous les ordres du général Garbey au scandaleux passé criminel, la soldatesque française s’attaqua à plusieurs villes et localités du Cap Bon et entreprit les pires massacres, incendies, pillages et viols. Des bébés furent même écrasés de sang-froid sous les bottes des légionnaires et des parachutistes. Puis ce fut le tour du Sahel avec cependant une moindre intensité, car l’opinion publique internationale eut connaissance des agissements criminels des autorités coloniales déjà cités.
En mars, Paris se dota d’un nouveau gouvernement qui donna carte blanche à de Hauteclocque. Celu-ci donna tout les pouvoirs sécuritaires à Garbey, entreprit des menaces à l’encontre du Bey et fit arrêter et déporter à Kébili les ministres Chenik, Materi, Ben Salem et M.S. Mzali. Il ordonna par ailleurs le transfert de Bourguiba de Tabarka à Remada dans l’extrême sud du pays.
Les autorités coloniales continuèrent leur politique répressive et s’engagèrent même dans les assassinats politiques. Ainsi tour à tour, les leaders Farhat Hached, Hédi Chaker et Abderrahmane Mami, ainsi que d’autres militants, furent lâchement abattus. Depuis, le peuple tunisien ne pliera plus l’échine jusqu’au recouvrement de sa pleine souveraineté.
Par : Foued ALLANI