17 janvier 1961 | “Avec sa mort, Lumumba a cessé d’être une personne. Il est devenu toute l’Afrique” JP Sartre

Sa bibliographie
Patrice Lumumba est né à Onalaua. Il fréquente l’école catholique des missionnaires puis, élève brillant, une école protestante tenue par des Suédois. Jusqu’en 1954 (année de la fondation d’un réseau d’enseignement laïque et de la première université) la Belgique coloniale n’a que peu développé le systéme d’éducation, entièrement confié aux missions religieuses, l’école ne donne qu’une éducation rudimentaire et vise plus à former des ouvriers ou des clercs, mais Lumumba autodidacte, se plongera dans des manuels d’histoire pour étudier plus en profondeur la Révolution française, l’histoire d’Haïti, des États-Unis et de la Russie. Il travailla comme employé de bureau dans une société minière de la province du Sud-Kivu jusqu’en 1945, puis comme journaliste à Léopoldville (aujourd’hui Kinshasa) et Stanleyville (Kisangani), période pendant laquelle il écrivit dans divers journaux.
En septembre 1954, il reçoit sa carte d’«immatriculé», honneur chichement accordé par l’administration belge à quelques noirs (à peine 200 sur les 13 millions d’habitants de l’époque).
C’est en travaillant pour la société minière qu’il comprend que son pays est un grand fournisseur de matière première dont le rôle est capital dans l’économie mondiale. Il comprend que l’administration coloniale essaie d’abrutir les Congolais afin qu’ils ne prennent pas conscience du fabuleux potentiel qu’a leur pays dont les frontières ont été fixées au hasard. Lumumba ayant compris cela milite alors pour un Congo uni contrairement à tous les autres leaders indépendantistes.
En 1955, il crée une association « APIC » (Association du personnel indigène de la colonie) et aura l’occasion de s’entretenir avec le roi Baudouin en voyage au Congo, sur la situation des Congolais.
Le ministre du Congo de l’époque, Auguste Buisseret veut faire évoluer le Congo et notamment mettre en place un enseignement public. Lumumba adhère au parti libéral avec d’autres notables congolais. Avec plusieurs d’entre eux, il se rend en Belgique sur invitation du premier ministre.
Le combat pour l’indépendance
En 1956, il est emprisonné un an pour une affaire de détournement de courrier. Libéré par anticipation, il reprend ses activités politiques et devient directeur des ventes d’une brasserie.
Le gouvernement belge prend quelques mesures de libéralisation : syndicats et partis politiques vont être autorisés en vue des élections municipales qui doivent avoir lieu en 1957. Les partis politiques congolais sont parrainés par ceux de Belgique et Lumumba est d’abord inclu dans l’amicale libérale.
En 1958, à l’occasion de l’exposition universelle, des Congolais sont invités en Belgique. Outrés par l’image dégradante du peuple congolais qui est véhiculée par l’exposition, Lumumba et quelques compagnons politiques nouent des contacts avec les cercles anti-colonialistes.
Dès son retour au Congo, il crée le Mouvement national congolais (MNC), à Léopoldville le 5 octobre 1958 et, à ce titre, participe à la conférence panafricaine d’Accra.
Il peut organiser une réunion pour rendre compte de cette conférence au cours de laquelle il revendique l’indépendance devant plus de 10 000 personnes.
Premiers démêlés politiques en octobre 1959 : le MNC et d’autres partis indépendantistes organisent une réunion à Stanleyville. Malgré un fort soutien populaire, les autorités belges tentent de s’emparer de Lumumba – c’est l’émeute et une trentaine de morts.
Lumumba est arrêté quelques jours plus tard, est jugé en janvier 1960 et condamné à 6 mois de prison le 21 janvier.
En même temps les autorités belges organisaient des réunions avec les indépendantistes auxquelles participe finalement Lumumba, qui est donc libéré de facto le 26 janvier.
À la surprise générale, la Belgique accorde au Congo l’indépendance qui est fixée au 30 juin 1960. Lors de la cérémonie d’accession à l’indépendance du pays, le 30 juin 1960, il prononce un discours virulent dénonçant les abus de la politique coloniale belge depuis 1885.
Au lieu de s’adresser au roi présent à la cérémonie, Lumumba commença son allocution par une salutation « aux Congolais et Congolaises, aux combattants de l’indépendance… » Son discours proclamait vivement que l’indépendance marquait la fin de l’exploitation et de la discrimination, le début d’une ère nouvelle de paix, de justice sociale et de libertés.
Une brève carrière politique
Le MNC et ses alliés remportent les élections organisées en mai et, le 23 juin 1960, Patrice Émery Lumumba devient le premier premier ministre du Congo indépendant.
Néanmoins, en attendant la formation des premières promotions d’officiers congolais, une grande partie des cadres de l’armée restent belges et les soldats noirs se révoltent, tuant les officiers blancs et violant les femmes belges. Pratiquement tous les cadres belges prendront alors la fuite.
Lumumba décrète l’africanisation de l’armée et double la solde des soldats. La Belgique répond par l’envoi de troupes pour protéger ses ressortissants au Katanga (la région minière) et soutient la sécession de cette région menée par Moïse Kapenda Tshombé. En septembre 1960, le président Joseph Kasa-Vubu révoque Lumumba ainsi que les ministres nationalistes. Lumumba déclare alors qu’il restera en fonction. À sa demande, le parlement acquis à sa cause révoque le président Kasavubu.
Suite à un coup d’État, Joseph Désiré Mobutu prend le pouvoir, crée le Collège des Commissaires généraux et assigne à résidence les dirigeants congolais. En décembre 1960, Lumumba s’échappe de la capitale pour tenter de gagner Stanleyville, région où il a de nombreux partisans. Il est arrêté alors qu’il passait la Sankuru à Mweka et il est transféré au camp militaire de Thysville sur ordre de Mobutu. Leur transfert fut un moment envisagé au fort de Shinkakasa à Boma.
Le 17 janvier 1961, Lumumba, Mpolo et Okito sont conduits par avion à Elisabethville, au Katanga, et livrés aux autorités locales. Lumumba, Mpolo et Okito seront conduits dans une petite maison sous escorte militaire ou ils seront ligotés et humiliés par les responsables katangais comme Moïse Tshombé, Munongo, Kimba, Kibwe, Kitenge mais aussi les Belges Gat et Vercheure. Ils seront fusillés le soir même par des soldats sous le commandement d’un officier belge. Mais, des documents secrets officiels belges, maintenant déclassifiés, dont la lecture ne laisse pas de doutes sur le fait que c’est bien la Belgique qui porte la plus grande responsabilité dans l’assassinat de Lumumba.
Le comte Harold d’Aspremont Lynden, ministre belge des Affaires africaines et proche du roi Baudouin, n’écrivait-il pas le 5 octobre 1960 que l’objectif principal à poursuivre dans l’intérêt du Congo, du Katanga et de la Belgique est évidemment l’élimination définitive de Lumumba ? Ce sont des Belges, précise De Witte, qui ont dirigé toute l’opération du transfert de Lumumba au Katanga, jusqu’à sa disparition et celle de son corps. La Belgique était en effet le seul pays à avoir reconnu le Katanga comme état indépendant et sa petite armée était dirigée par des officiers belges. Le lendemain, une opération sera menée par des agents secrets belges pour faire disparaître dans l’acide les restes des victimes découpées auparavant en morceaux. Plusieurs de ses partisans seront exécutés dans les jours qui vont suivre, avec la participation de militaires, ou mercenaires belges. Tshombé lance alors la rumeur selon laquelle Lumumba aurait été assassiné par des villageois. Ceci déclenche une insurrection parmi la population paysanne, qui prend les armes sous la direction de Pierre Mulele au cri de « A Lumumba » ou « Mulele Mai » : les paysans conquièrent près de 70 % du Congo avant d’être écrasés par l’armée de Mobutu.
Lumumba fut très regretté après sa mort par toute la communauté des pays non-alignés, y compris par un de ses bourreaux, le général Mobutu qui le consacra héros national en 1966. Le retour d’Égypte de sa femme Pauline et de ses enfants fut considéré comme un événement national.
Le jour de sa mort, le 17 janvier, est un jour férié au Congo-Kinshasa.
L’action des anciens colonisateurs en pleine guerre froide
On s’est beaucoup interrogé sur le rôle des puissances occidentales, des États-Unis en particulier dans la mort de Lumumba, sous le prétexte qu’il faisait craindre une dérive du Congo belge vers l’URSS. En effet Lumumba fit appel aux Soviétiques lors de la guerre du Katanga car l’ONU ne répondit pas à ses demandes d’aide militaire pour mettre fin à la guerre civile.
Les États-Unis et la Belgique sont en grande partie responsables de la mort de Lumumba. Les États-Unis de Kennedy voulaient l’éliminer pour éviter un basculement du géant africain dans le communisme et la Belgique voyait en lui et ses thèses d’indépendance économique une menace pour ses intérêts économiques notamment dans le secteur minier. Ces deux pays ont soutenu l’effort de guerre de Mobutu contre les Maï-Maï. Les mercenaires belges ont fait l’opération Omegang pour écraser la résistance Maï-Maï au Kivu. Le meurtre de Lumumba a été élucidé par la justice belge sous l’impulsion de François Lumumba qui a porté plainte contre X, et du sociologue belge Ludo de Witte.
Le gouvernement belge a reconnu en 2002, une responsabilité dans les événements qui avaient conduit à la mort de Lumumba :
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À la lumière des critères appliqués aujourd’hui, certains membres du gouvernement d’alors et certains acteurs belges de l’époque portent une part irréfutable de responsabilité dans les événements qui ont conduit à la mort de Patrice Lumumba. Le Gouvernement estime dès lors qu’il est indiqué de présenter à la famille de Patrice Lumumba et au peuple congolais ses profonds et sincères regrets et ses excuses pour la douleur qui leur a été infligée de par cette apathie et cette froide neutralité
Sa famille
Patrice Lumumba était marié et père de cinq enfants : François, Patrice junior, Julienne, Roland et Guy. Avant son emprisonnement, Lumumba s’est arrangé pour que son épouse et ses enfants puissent quitter le pays. Ils sont allés en Egypte où François a passé le reste de son enfance, avant d’aller en Hongrie poursuivre ses études. Il est revenu au Congo dans les années 90, au début de la rébellion contre Mobutu, et a créé un petit mouvement politique lumumbiste. Bien que son mouvement demeure peu puissant, il reste impliqué dans la politique congolaise et tente de défendre les idées de son père. Il y a aussi les frères de Patrice les plus proche de son vivant: Louis Richard Lumumba père, marié à Marie Claire Otshumba issue du couple : Paul Henry Lumumba, Seraphin Lumumba, Mike Lumumba et Louis Richard Lumumba fils les dernier Alexandre lumumba les vrais héritiers des idées de son oncle: Patrice Emery Lumumba.
Annexes
- Interview filmée en mai 1959, archives RTBF
- freud2004.populus.ch
- Autre biographie de Lumumba
- Rapport d’enquête
- Discours à la cérémonie de l’indépendance congolaise sur le site Etoile rouge (pdf)
- Dernière lettre (à sa femme Pauline) sur le site Etoile rouge (pdf)
- Lumumba, l’histoire d’une vie exemplaire, deboutcongolais.info
Références
Voir aussi
Liens internes
Bibliographie
Ses discours :
- Congo, My Country, sl, Editions Praeger, Coll. Books That Matter, 1962.
- Jean Van Lierde [édit.], La pensée politique de Patrice Lumumba, textes et documents recueillis et présentés par Jean Van Lierde, Paris-Bruxelles, Ed. Présence africaine, 1963, préface de J.-P. Sartre.
- Jean Van Lierde [édit.], Lumumba Speaks: The Speeches and Writings of Patrice Lumumba, 1958-1961, Boston, Little Brown and Company, 1972, traduit par Helen R. Lane.
Biographies :
- De Vos. P., Vie et mort de Lumumba, Paris, Calmann-Levy, 1961.
- Jean Van Lierde, Patrice Lumumba. La dimension d’un tribun nonviolent, Bruxelles, MIR-IRG, 1988.
- Benot, J., La mort de Lumumba, Paris, 1989.
- Brassine, J. et Kestergat, J., Qui a tué Patrice Lumumba ? Paris-Louvain, Duculot, 1991 (théorie pro-belge).
- Jean Omasombo, Benoît Verhaegen, Patrice Lumuba, jeunesse et apprentissage politique 1925-1956, Paris, L’Hamattan, Cahiers africains, n° 33-34, 1998.
- Jean Omasombo, Benoît Verhaegen, Patrice Lumuba, acteur politique. De la prison aux portes du pouvoir, juillet 1956-février 1960, Paris, L’Harmattan, Cahiers africains, n° 68-70, 2005.
- De Witte Ludo, L’assassinat de Lumumba, Paris, Karthala, 2000, 415p (théorie anti-belge).
Autres
- Yuri Buenaventura qui lui a dédié une chanson sur son album Salsa Dura en 2005.
- Aimé Césaire auteur de la pièce de théâtre Une saison au Congo qui raconte la tragédie de Patrice Lumumba.
- Un film a été réalisé sur Patrice Lumumba par le cinéaste haïtien Raoul Peck.
- Jean Métellus, « Lumumba le Grand », long poème en hommage à Patrice Lumumba dans le recueil Voix nègres, voix rebelles, Le temps des cerises, 2000.