10 janvier 1920 | la naissance de la Société des Nations et la place des pays africains

Le 10 janvier 1920, lorsque la Société des Nations voyait le Jour. C’était une des conséquences importantes de l’entrée en vigueur du maudit traité de Versailles, signé le 19 juin de l’année précédente…
La Société des Nations, la SDN comme on allait se mettre à l’appeler, est une première tentative de concertation des puissances à l’échelle mondiale. Elle avait été imaginée et promue par le président américain Woodrow Wilson, qui en avait fait l’un de ses quatorze points pour le règlement de la Première Guerre mondiale. Finalement, le Congrès américain s’est refusé à ratifier le Traité de Versailles ; ce n’était pas le moindre des paradoxes de cette institution puisque la SDN, que l’État qui se trouvait à son origine ait commencé par s’en abstenir.
Dans l’entre-deux-guerres, plusieurs autres grandes puissances quitteront la SDN : l’URSS, l’Allemagne nazie, le Japon entre autres. Comment vouliez-vous, dans ces conditions, que l’institution nouvelle puisse jouer un rôle efficace ?
La SDN siégeait à Genève
En Suisse, en territoire neutre, dans des locaux construits exprès : le Palais des Nations.
Cette amorce, très balbutiante, de gouvernement mondial, préfiguration de l’ONU, est fondamentale dans la mesure où elle témoignent d’un changement radical dans la philosophie diplomatique ; on y envisage déjà de dépasser les vieux antagonismes nationalistes.
Du reste, la SDN aura eu davantage de succès qu’on ne le dit, ne serait-ce que dans la décennie 1920. Par la suite, elle n’était pas de taille à s’opposer à ce qui se tramait ; c’est Mussolini qui a dit : “La Société des Nations est efficace quand les moineaux piaillent, plus du tout quand les aigles attaquent”
LES PAYS AFRICAINS À LA SOCIÉTÉ DES NATIONS
Lorsque, après la Première Guerre mondiale, fut fondée la Société des Nations, deux pays africains seulement, le Liberia et l’Union d’Afrique du Sud, en furent membres dès 1920 ; l’Éthiopie adhéra en 1923 et l’Égypte en 1937, soit quatre pays sur la soixantaine qui constituaient à l’époque la communauté internationale. Les colonies que l’Allemagne vaincue possédait sur le continent (Sud-Ouest africain – future Namibie, Cameroun, Togo, Tanganyika, Rwanda-Urundi), ne devinrent pas indépendantes, comme le souhaitaient certains, mais furent confiées par mandat de la SDN (et à la future tutelle de l’ONU) au Royaume-Uni, à la Belgique ou à la France ; ces puissances coloniales, de même que le Portugal, continuèrent à exercer la souveraineté sur leurs territoires outre-mer. La Somalie (partie italienne et partie anglaise) fut également mise sous tutelle en 1950.
Le Négus d’Éthiopie Hailé Sélassié fut le seul chef d’État africain à s’adresser, en un français parfait, à la SDN, dans des circonstances tragiques, le 30 juin 1936 à Genève, pour dénoncer, en vain, l’agression dont son pays était victime de la part de l’Italie mussolinienne .
Quelques années auparavant, en 1930, un président africain, le Liberien Charles King, ainsi que son vice-président Yancy furent obligés de démissionner parce qu’une commission d’enquête de la SDN avait établi qu’ils avaient organisé un trafic d’esclaves depuis leur pays vers les plantations de cacao de la Guinée espagnole (devenue, après l’indépendance en 1968, Guinée équatoriale), un comble pour un État créé plus d’un siècle auparavant pour et par des esclaves libérés .
Quelque soixante-dix années plus tard, l’ONU parviendra difficilement à imposer au Liberia le départ en exil du président Charles Taylor en 2003, et ne jouera aucun rôle dans l’éviction d’autres dirigeants contestés, mais contribuera par ses votes et par ses sanctionsà mettre fin – mais au bout de quatorze ans seulement, en 1978 – au régime raciste blanc minoritaire de Ian Smith en Rhodésie du Sud – Zimbabwe, puis au début des années 1990 à l’apartheid en Afrique du Sud (instauré officiellement en 1948 et supprimé par la Constitution de 1996), et à obtenir, au terme de vingt-sept années de détention, la libération de Nelson Mandela, qui sera élu en 1994 président de la « nation arc-en-ciel ».
Par Franck FERRAND
Et André Lewin