16 décembre 1838 | Afrique australe: La Bataille de la Rivière de sang ou Blood River

La bataille de Blood River (en français rivière de sang), mais on va conserver le nom anglais) s’inscrit dans un contexte spécifique et ne peut donc être présentée sans avoir une approche de ses deux belligérants, les Boers et les zoulous.

Les Zoulous

Les Zoulous sont une petite tribu du groupe ethnique appelé Khoïkhoï qui avait réussi au début du XIXème siècle à unifier tout une partie de l’est sud-africain grâce notamment aux techniques de guerre novatrices de Shaka Zulu (dont vous pouvez retrouver une magnifique présentation par Nicopoléon ici). Mais à partir de la mort de Shaka Zulu en 1828, et du Mfécané (grande dévastation) qui laissera une terre appauvrie, le royaume zoulou passe de plus d’un million d’habitants à seulement un demi-million. Le probable assassin et le frère de Shaka, Dingané, prend le pouvoir en 1828. C’est de lui dont nous allons parler aujourd’hui. Les armées zouloues se battent à cette époque avec le dérivé de la sagaie imaginé par le Napoléon noir, l’iklwa, qui a un manche plus court et une lame plus large, en faisant une arme de corps à corps. Ils ne possèdent pas d’armure, mais uniquement un bouclier de cuir, de couleur différente selon la valeur de l’unité. Toute leur armée est composée de la même manière, et ils ne se servent pas des chevaux.

Les Boers

Les Boers, dont le nom signifie fermier en hollandais, sont une partie de la population sud-africaine blanche avec des ancêtres hollandais (du moins à cette époque). On distingue les Trekboers, fermiers migrants avec leurs troupeaux loin au nord du Cap, des simples Boers qui ont établi leur ferme aux alentours de la capitale. Dans ces Trekboers, on distingue les Voortrekkers, Trekboers ayant participé au Grand Trek, des autres. Tous sont très religieux et se considèrent comme les nouveaux Israélites, ils basent donc toutes leurs décisions sur l’ancien Testament. Nous allons ici parler uniquement parler des Voortrekkers, car la bataille de Blood River s’inscrit comme le point culminant du Grand Trek.

Le Grand Trek est en fait une migration de certains Trekboers à partir de 1833, qui démarre à cause du refus de l’autorité britannique, principalement sur la question des esclaves. C’est un voyage qui s’étale sur plus de 4 ans, puisque les Voortrekkers se déplacent avec leurs troupeaux, ce qui implique une allure lente et beaucoup d’arrêts, d’autant que les Voortrekkers arrêtent souvent leurs chariots pour plusieurs semaines. Lors de cet exil ils se feront repoussés par l’Église du Cap, qui n’enverra aucun pasteur pour les accompagner. Ils se regroupent souvent en caravanes d’une cinquantaine de chariots, menés par un chef élu par les blancs (les Boers ont conservé leurs serviteurs noirs). On parlera ici uniquement de Piet Retief et d’Andries Pretorius, puisque ce sont eux qui joueront des rôles marquants. Au début de l’année 1837, Ces caravanes se retrouveront face aux montagnes du Drakensberg, réputées infranchissables. Ils vont pourtant arriver de l’autre côté après une année d’efforts, notamment en transportant les chariots pièces par pièces à dos d’hommes (ou de femmes). Ils vont alors se retrouver sur les terres du roi des Zoulous, Dingané.

2. Avant la bataille

Les Boers établirent leur campements juste à la sortie des montagnes du Drakensberg, en un lieu appelé Blaauwkrans. Ce campement n’est en fait qu’un groupe de chariots s’étendant sur des kilomètres. Un de leur chef, Piet Retief, accepta de se diriger vers le kraal (village) de Dingané pour négocier la concession de terres pour son peuple. Il part donc à l’hiver 1838 avec son fils et 70 compagnons. Arrivés là, ils acceptent de venir sans armes conformément aux coutumes locales. Si le roi se montre bienveillant pendant les premiers jours des négociations, il prend ensuite peur et les déclare sorciers. Cela les conduira au massacre à coups de pierres.

Dingané lance ensuite ses troupes contre les campements des Boers, et en massacre près de 500. Le général Pretorius prend alors le commandement et rassemble 500 hommes, dont la moitié seulement a déjà été au feu. Ils sont aussi accompagnés de 350 métis. Les Boers disposent de chevaux, de fusils de chasse et de sabres de cavalerie. Ils peuvent tirer à cheval avec une grande précision, et même recharger. Pretorius partit des restes de Blaauwkrans le 7 décembre avec 64 chariots à bœufs, essentiels à la réussite de son plan. Celui-ci consistait à trouver le meilleur endroit qui soit, puis de former un rond avec ses chariots, présentant le double avantage de protéger de toute attaque de flanc et de pouvoir accueillir les bêtes en son centre. Il trouvera cet emplacement le 8, à côté du fleuve qu’on appellera plus tard Blood River. Il installe ses chariots sur une colline et attend les zoulous. Il possède également 4 obusiers qu’il place au centre du dispositif. Ensuite, il prie pendant 8 jours et fait jurer à ses hommes de conclure une Alliance avec Dieu s’Il leur accorde la victoire (ce jour sera plus tard appelé le jour du Vœu et célébré comme une fête nationale).

3. Déroulement de la bataille

Les Zoulous, sans Dingané, arrive le 16 décembre 1838 au contact des Boers retranchés. Ils disposent de plus de 15000 hommes, dont leurs troupes d’élite. Ils lancent l’assaut à l’aube. Les Boers attendent cachés que les premiers guerriers soient à deux mètres des chariots et leur tirent dessus à bout portant. Cette action se répètera pendant près d’une heure, jusqu’à ce que les généraux zoulous envoient leurs vétérans aux boucliers blancs. Ces derniers courent à la mort en escaladant des montagnes de cadavres et subissent le même sort que leurs camarades. Andries Pretorius prend alors une décision stupéfiante : il fait une sortie à cheval avec une centaine de ses camarades. Cela sera une des charges les plus profitables de l’histoire moderne. Sur un seul rang, les cavaliers firent plus de 500 morts aux zoulous, pour une égratignure au général. Cette action sonnera la déroute des noirs, les Boers restent maîtres du champ de bataille. Le bilan tombe, stupéfiant : plus de 3000 morts pour les armées zoulous, et trois blessés pour les Boers.

4. Conséquences de la bataille

Après cette bataille, Dingané se rend et remet la moitié de son territoire aux Voortrekkers. Mais bien plus que ce territoire, qui sera repris par les anglais 5 ans plus tard, cette victoire apporte aux Boers la certitude qu’ils sont un peuple privilégié, élu par Dieu et supérieur aux noirs. Cette idée sera reprise par de nombreux romantiques afrikaners et, un siècle plus tard, par les rédacteurs des lois de l’apartheid. Un monument national consacré à cette bataille sera érigé en 1949 et créera une polémique quant à sa qualité de « national ». Jusqu’en 1994, le 16 décembre sera férié en tant que jour du Vœu, mais sera renommé de la réconciliation en 1994.

Sources : L’Alliance de C. Michener
Wikipédia
www.herodote.net

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