De la Bible à l’électricité, l’occidentalisation du monde : l’exemple de l’Afrique

Aujourd’hui, nous nous intéresserons à une série d’articles publiée par l’illustre quotidien Le Monde, intitulée “Traversée d’une Afrique bientôt électrique”. Ce que nous essaierons de souligner dans le texte qui suit, c’est que l’électrification de l’Afrique découle directement de l’expansion et de l’ancrage du mode de vie, de penser et d’être, mais surtout d’avoir, profondément antiécologique et aliénant, de la culture occidentale dominante. Que les multiples cultures et les différents modes de vie des populations d’Afrique aient été détruits par l’essor d’états impérialistes africains (royaumes ou empires), puis par le colonialisme, et enfin par le présent néocolonialisme n’est pas tant la question. Ce qu’on remarque, en étudiant le phénomène de l’électrification de l’Afrique (ou d’ailleurs), c’est qu’elle découle de la volonté de populations déjà relativement déracinées, acculturées et aliénées (proches, en cela, des populations occidentales), persuadées que le confort technologique et les “rêves que porte l’électricité” leur apporteront le bonheur. Cependant, ces aspirations ont dû leur être suggérées, certainement par les quelques centres urbains du continent, où le rêve américain, avec son cinéma, son bling-bling, ses télévisions en couleur allumées en permanence et ses appareils électroménagers, transmuté en un “africapitalisme”, hypnotise les foules. En philanthropes chevronnées, les multinationales qui exploitent actuellement l’Afrique sont donc aussi les premières à encourager et à subventionner son électrification, dans une perspective d’élargissement du marché mondial (de leur empire), d’obtention de main d’œuvre et de profits financiers.

Nous utiliserons des citations tirées de différents articles composant cette série du Monde pour développer notre propos. Le premier article que nous commenterons est le suivant :

Traversée d’une Afrique bientôt électrique

Quand le soleil est couché, c’est une immense tache sombre sur le planisphère. Un continent plongé dans le noir quand l’Europe, l’Amérique ou l’Asie s’illuminent. Un paradoxe. L’Afrique dispose de ressources énergétiques inépuisables, à la fois fossiles et renouvelables. Et pourtant, plus de la moitié de ses habitants n’ont pas accès à l’électricité, soit 621 millions de personnes, selon l’Africa Progress Panel, le cercle de réflexion de l’ancien secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan. Le cas est particulièrement flagrant dans la partie subsaharienne, où seulement 30 % de la population sont connectés au réseau électrique contre presque la totalité des habitants au Maghreb.

(Dans la suite du texte, les blocs de texte de ce type sont des citations tirées des articles du monde).

On aperçoit ici clairement une sorte de glorification quasi-religieuse de la fée électricité. Avant l’électricité c’est le noir complet. La nuit. Le néant. Le rien. Après (que la lumière fut) c’est l’illumination, le royaume divin. Associer en une phrase “ressources inépuisables” et “fossiles” on en attendait pas moins du plus grand quotidien français.

Ainsi, un Africain (hors Afrique du Sud) ne consomme en moyenne que 162 kilowattheures (kWh) par an contre 7 000 kWh pour les autres Terriens. De fait, la consommation électrique de toute l’Afrique est inférieure à celle de l’Espagne, avec une population 25 fois supérieure. Ce qui n’empêche pas les Africains de payer un coût délirant pour l’électricité : une habitante du nord du Nigeria doit ainsi débourser, par kWh, 60 à 80 fois plus qu’une Londonienne ou une New-Yorkaise. Les Africains paient le prix de l’électricité le plus élevé au monde.

Que toute l’Afrique consomme moins d’électricité que l’Espagne est un scandale, vous l’imaginez bien, auquel il nous faut vite remédier. L’Afrique doit consommer plus.

[…] Pourtant, à l’orée de la COP22 à Marrakech, de nombreux projets laissent espérer un retournement de situation. Les centrales solaires se multiplient sur le continent, notamment au Sénégal et au Maroc. Comme les projets de barrages au Cameroun, dont celui de Lom Pangar qui s’achèvera courant 2017 et alimentera tout l’est du pays, avec cependant un impact social et environnemental important, que nous allons décrire. Le Kenya, de son côté, étend l’électrification de son territoire avec pour objectif de raccorder 100 % des foyers en 2020, appuyé par l’ouverture prochaine du plus grand parc éolien du continent.

Pour raconter cet effort d’électrification sans précédent, Le Monde Afrique a envoyé un reporter, Matteo Maillard, appuyé par deux correspondants, pour une traversée du continent d’est en ouest, du Kenya au Maroc en passant par le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Burkina Faso. Ce reportage au long cours, rendu possible par le soutien de l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique), ramène de bonnes nouvelles.

D’abord, et alors que l’Afrique subit de plein fouet le réchauffement climatique, nos reportages prouvent que le continent prend très au sérieux les énergies renouvelables et tente d’éviter les erreurs des grands pollueurs occidentaux ou des pays émergents comme l’Inde et la Chine.

Ensuite, plusieurs pays entendent conjuguer cette croissance verte de la production ou de la distribution électrique avec des programmes de réduction de la pauvreté. Petits ou grands, leurs projets sont impressionnants, intelligents. Ils y associent parfois les compagnies nationales, mais aussi des start-up et des fab-labs qui, souvent, n’attendent pas que la machine institutionnelle se mette en marche. Des différences surgissent au fil du reportage : au Kenya, le secteur privé et les acteurs de taille modeste jouent un rôle déterminant alors qu’un pays comme la Côte d’Ivoire se repose davantage sur l’État et les grands groupes.

La croissance “verte”, cet oxymore, la couleur est annoncée dès le premier article. Notez également que la crise écologique n’est présentée, comme d’habitude dans les médias de masse, que sous l’angle du réchauffement climatique, et qu’ainsi, leur seule préoccupation consiste à développer les énergies dites “renouvelables”, et pas à protéger le peu de nature sauvage que l’on y trouve encore.

Enfin, on retrouve partout des bailleurs de fonds et des investisseurs occidentaux, y compris français. Au Kenya, lors du passage de notre reporter, se tenaient simultanément deux salons sur l’énergie dont les travées étaient arpentées, côté français, par des représentants de l’AFD ou du fonds Energy Access Ventures lancé en 2015 par Schneider Electric.

L’Afrique, ses ressources, ses populations, ses propriétaires…

L’impression d’ensemble est que le paysage de l’électricité africaine est en plein bouillonnement et qu’il va considérablement évoluer ces toutes prochaines années.

1- Un dernier kilomètre de câble, pour illuminer le Noël des Kényans

Avant d’arriver au hameau de Kanyueri, il faut passer de gigantesques forêts d’eucalyptus balançant leur houppier au bord de Thika Road. Sur cette autoroute qui traverse le Kenya, de Nairobi – la capitale – jusqu’au nord du pays, des milliers d’arbres vont bientôt être coupés.

Progrès oblige.

Car il en faudra des poteaux électriques en bois, et aussi en ciment, pour mener à bien le Last Mile Connectivity Project, dont l’Etat kényan a chargé la Kenya Power and Lightning Company (KPLC), premier fournisseur d’électricité du pays. Cet ambitieux projet a pour objectif de raccorder d’ici 2020 tous les foyers kényans au réseau national. Pour y parvenir, l’Etat compte augmenter le taux actuel de 40 % de foyers qui ont accès à l’électricité, principalement en zone urbaine, à 70 % d’ici à juin 2017.

[…] Ce projet titanesque a pu être mis en route grâce à l’appui financier de la Banque africaine de développement (BAD) à hauteur de 13,5 milliards de shillings (120 millions d’euros) pour la première phase. Aux étapes suivantes, elle apportera un financement additionnel de 135 millions d’euros. La Banque mondiale et l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique) vont compléter cet appui avec respectivement des prêts de 135 millions d’euros et 120 millions d’euros.

Ce paragraphe est suivi d’un hyperlien, que le journal le monde intercale précisément ici, et qui nous renvoie vers un article intitulé : « Personne n’aidera l’Afrique à se développer sinon les Africains »(quand le paragraphe ci-dessus tend à prouver le contraire, mais passons). En le suivant, nous apprenons que :

Le milliardaire nigérian Tony Elumelu – « serial entrepreneur », comme il se définit – a créé en 2010 sa fondation sur la base de son mantra, « l’africapitalisme »« Le secteur privé détient les clés pour débloquer le potentiel économique et humain de l’Afrique », explique-t-il.

L’Africapitalisme, prometteur, n’est-ce pas !

[…] Selon Peter Njenga, puisque cette mère de famille n’a ni télévision ni frigo, sa facture d’électricité ne dépassera pas les 200 shillings par mois, soit une économie de 40 shillings par rapport aux lampes à pétrole, « sans compter qu’elle sera mieux éclairée et qu’elle n’aura plus besoin de faire le trajet à la ville voisine pour recharger son téléphone ». Comme la majorité des habitants de Kanyueri, Priscilla et son mari ont un portable. Ils sont agriculteurs et ne gagnent pas beaucoup en cette saison. Mais, depuis que le réseau couvre le village, le téléphone est devenu un appareil indispensable, notamment pour se tenir informé lorsque l’un d’eux part au marché d’Embu vendre la récolte de maïs et de cornille.

Problème : cette famille n’a ni télévision ni frigo. Mais bonne nouvelle : le téléphone portable est désormais indispensable.

[…] Il envisage même d’améliorer son élevage de poules grâce à l’électricité. « Elles ont besoin de chaleur la nuit, alors j’investirai dans un petit chauffage pour qu’elles soient plus confortablement installées et pondent davantage ». Mais priorité à la famille, semble rappeler d’un regard sévère sa femme, Damaris. « Je vais d’abord m’acheter un fer à repasser moderne pour remplacer celui à charbon que j’ai là, puis ce sera une télévision couleur ! », La petite, en noir et blanc, ne fonctionne plus depuis que le panneau solaire installé sur le toit a été brisé par un caillou projeté par une explosion de dynamite dans la carrière voisine.

De l’importance de développer très vite les technologies dites « renouvelables », avant qu’ils loupent un épisode ou deux de leur émission préférée, et afin qu’ils puissent, comme tous les civilisés, jeter leur ancienne télé et en acheter une nouvelle (et jeter aussi leur panneau solaire qui ne fonctionne plus).

Dans l’article « Au Kenya, des kilowatts pour produire des tonnes de khat », que nous ne citerons pas, on apprend que « Gabriel » compte utiliser l’électricité pour lancer une industrie du Khat, et créer un « Khatbull ».

2- Une nuit chez les Masai avec catch américain, bières fraîches et musique électro

Où le titre : « avec catch américain, bières fraîches et musique électro »et le sous-titre : « A Olposmoru, village kényan à la frontière tanzanienne, où les soirées, désormais rythmées par la télévision, se finissent à l’aube », nous disent tout.

Une clé de nuque brutale, suivie du coup de la corde à linge et d’une projection hors du ring. Les deux catcheurs américains huileux aux dos maçonnés s’invectivent l’œil torve. Leurs silhouettes vibrent un peu. La connexion n’est pas très bonne. Ce qui ne perturbe aucunement la dizaine de Masai regroupés devant la télévision du Meka Hotel. Certains portent la shuka, cape rouge traditionnelle, et le poignard au côté, d’autres des habits occidentaux satinés de poussière. Tous observent avec attention cet étrange spectacle, parfois avec ravissement, lâchant quelques rires, parfois avec circonspection. Ils attendent avec impatience le journal de 19 heures. D’autres Américains débarquent dans un clip de rap, puis de blonds mannequins filiformes défilent au rythme d’une musique électro. Les regards sont hypnotisés. Ce qui n’empêche pas le patron de cette cantine minuscule de zapper encore et encore avec une fierté non dissimulée.

La modernité, la technologie, le progrès, la télévision, le zapping…

Il faut dire qu’il y a matière à orgueil. Le Meka Hotel était, il y a près d’une année, le premier restaurant à recevoir l’électricité et le bouquet satellite dans tout le village d’Olposmoru. Mille âmes aux confins de la sublime réserve d’Olarro, au sud du Kenya. Une langue de terre sèche, pendue à tous les vents à 300 m de la frontière tanzanienne. Trop loin pour que le gouvernement kényan décide d’y étendre son réseau national d’électricité. Celui-ci s’est arrêté à 40 km du village. Il a donc fallu trouver une solution. C’est l’entreprise américano-kényane PowerGen qui l’a apportée.

Bis. Fiat lux bouquetsatellitux.

En décembre 2015, elle a installé au centre du village un mini-réseau électrique : 24 panneaux solaires contenant 16 batteries reliées à un onduleur qui diffuse à travers un maillage de 30 poteaux électriques répartis dans Olposmoru« Nous produisons 5,6 kWh d’énergie renouvelable, suffisamment pour alimenter l’intégralité du village », explique Anderson Bett, jeune ingénieur kényan chargé par l’entreprise de trouver les sites où implémenter cette technologie. Ici, l’entreprise a déjà raccordé 62 clients, des familles, mais surtout des commerçants. « Nous les connectons en priorité, poursuit-il, car, contrairement aux agriculteurs ou aux bergers nomades qui peuplent la région, ils ont des revenus plus réguliers qui leur permettent de payer le raccordement de 1 000 shillings (8,8 euros) et les factures nécessaires à l’entretien du réseau. »

A Olposmoru, ce ne sont pas les commerces qui manquent. A l’instar de nombreux villages frontaliers, celui-ci attire bergers, agriculteurs et vendeurs ambulants provenant des hameaux de la région et de la Tanzanie voisine. Grâce à l’installation de l’électricité, le nombre de bars et de restaurants a doublé. On compte douze établissements aujourd’hui, autant d’épiceries et de magasins généraux. « L’électricité a augmenté l’attractivité du village, qui s’agrandit », avance William Kebet, cafetier. Au sud, près de la frontière, on aperçoit en effet plusieurs maisons et un motel en construction. « Avant, dans mon restaurant, j’avais un groupe électrogène mais l’essence me coûtait trop cher. C’est pourquoi je me suis raccordé au mini-réseau », embraie William en montrant un panneau blanc comportant une ampoule, un fusible et une prise à laquelle il a raccordé sa télé. « Quand nous connectons des clients au mini-réseau, nous leur proposons d’acheter des appareils ménagers : télé, frigo, micro-ondes, explique Anderson. Nous voulons qu’ils s’habituent à utiliser l’électricité avec des outils modernes. Plus ils en consomment, plus nous augmentons notre bénéfice. »

Progrès : plus de bars et de restaurants, plus de consommation de télé, frigo, micro-ondes. Toute la série du Monde peut être résumée par cette seule phrase : « Nous voulons qu’ils s’habituent à utiliser l’électricité avec des outils modernes. Plus ils en consomment, plus nous augmentons notre bénéfice. »

[…] Isaac engloutit une rasade de Guinness fraîche. L’une des douze bières internationales que compte ce bar. Le Sweet Angel a été ouvert par le père du gérant, James, 30 ans. La famille vient de Narok, dernière ville avant la réserve masai où ils ont déjà un établissement. « Quand PowerGen a installé son réseau il y a un an, mon père a décidé d’ouvrir un deuxième bar ici, raconte James, et d’investir dans le décodeur qui a plus de cent chaînes ». Ils paient leur électricité 1 000 shillings trois fois par semaine et reçoivent une vingtaine de clients réguliers par jour. « S’ils reviennent, c’est parce qu’on a une sono puissante et de la bonne musique. On leur passe du Bongo tanzanien et ils dansent jusqu’au matin sans se soucier du lendemain », s’enthousiasme James en montant le volume.

Progrès : le syndrome d’après moi le déluge et l’hyper-individualisme caractéristiques de la monoculture capitaliste se démocratisent. On remarque aussi, au passage, que par souci de développement durable ils essaient de ne consommer que du local le « développement » leur permet de faire venir 12 bières différentes du monde entier.

La musique couvre la voix d’Isaac. « De plus en plus de gens veulent la lumière, la musique, les films, hurle-t-il. Ils découvrent les avantages de l’électricité, les rêves qu’elle porte. Le village était sombre et triste, maintenant les gens sont plus heureux et sortent le soir. Mais le système de PowerGen est loin d’être parfait. Certains se plaignent de l’instabilité du réseau, des prix fluctuants et des retards de connexion. Mais quand même, avant, nous n’étions pas informés de ce qu’il se passait dans le reste du pays. On recevait nos journaux de Narok, les lundis et vendredis, c’est tout. Désormais on peut regarder les nouvelles tous les jours à la télé. C’est même ce qu’on préfère. Ça nous rapproche ».

Progrès : désormais, ils regardent les nouvelles tous les jours à la télé et c’est ce qu’ils préfèrent. Sans électricité : sombre, triste / Avec électricité (lumière, musique, films, télé) : heureux. Toutes les illusions et les mensonges que l’on nous a vendus, à nous, il y a un certain temps, dans les pays dits « développés », hypnotisent désormais ces populations nouvellement reliées au grand réseau planétaire.

3- Les Kényans craquent pour le solaire en kit

Où l’on continue à comprendre à quoi sert l’électricité :

[…] « Dans mon village, personne n’a de lumière, d’électricité ou de télévision », lance-t-elle en préparant sur la table du salon le quill, légume proche de l’épinard qui accompagne l’ugali, plat national à base de farine de maïs. « Ce que je voudrais, c’est offrir à ma famille l’un des grands kits avec la télévision solaire, peut-être des plaques de cuisson électriques aussi ». Elle laisse s’étouffer un silence couvert par le dessin animé des petits. « Je serai heureuse de pouvoir leur apporter un peu de lumière ».

4- Des coques de grains de café pour faire tourner des usines kényanes

Où l’on apprend que les coques du café sont désormais récupérées (plutôt que : « écartées et jetées »), depuis 2006, par Lean Energy Solutions, qui les « valorise ». A savoir qu’elles sont mélangées, dans « des usines de rondins », à « d’autres déchets végétaux récupérés par l’entreprise : sciure de bois, bagasse de canne à sucre et résidus de charbon ». Et que, « encore humide, le mélange traverse un immense séchoir au bout duquel un compresseur l’agglomère et le conditionne en rondins au fort pouvoir calorifique ». Des rondins qui servent à alimenter les chaudières industrielles d’entreprises clientes de Lean Energy Solutions, comme « Unilever, Coca-Cola, Pepsi ainsi que des sociétés de textile comme Spinners & Spinners ». La biomasse, plutôt que de retourner au sol qui l’a produite, finit ainsi par être brûlée par Coca-Cola et Pepsi et d’autres, pour la production de biens industriels, eux aussi toxiques (pour la santé et l’environnement).

L’usine Coca-Cola, alimentée, entre autres, par une chaudière à « biomasse », à Kisumu.

Cette stratégie verte a permis à Lean Energy de signer des contrats de huit ans avec ces compagnies et de bénéficier d’une ligne de crédit de l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique).

Ils insistent là-dessus durant toute la série, financement oblige.

5- Nos barrages permettront d’atteindre 50 % d’électrification du Cameroun en 2022

Où l’on remarque que la question de l’impact social d’un « projet titanesque » de plus de 11 barrages (plus de 150 familles déplacées, juste pour un seul barrage) sur le fleuve Sanaga est la dernière de l’article, et que l’impact environnemental, lui, est purement et simplement occulté. Et pourtant ce barrage menace de noyer 30 000 hectares de forêt protégée, et son électricité sera principalement destinée à une immense usine d’aluminium, appartenant à la Compagnie Camerounaise d’Aluminium (Alucam).

Tous les barrages sont des catastrophes écologiques et sociales. Pour le comprendre, vous pouvez lire cet article.

Le barrage de Lom Pangar. Symbole du « développement durable »…

Une autre vue.

Signalons également que les projets routiers phares du Congo sont revenus à la China State Construction & Engineering Corporation, numéro un du BTP chinois, qui va avoir le privilège de bétonner le pays.  Avec les conséquences que l’on sait. Plus de renseignements ici.

6- La Côte d’Ivoire se convertit lentement aux énergies renouvelables

Où l’on apprend, contrairement, encore et toujours, au « Personne n’aidera l’Afrique à se développer sinon les Africains », que « la Compagnie ivoirienne de production d’électricité (Ciprel), premier producteur d’électricité de Côte d’Ivoire et société appartenant au groupe français Eranove, devrait bientôt signer l’ouverture d’une cinquième centrale à Abidjan » même si les gisements gaziers du pays seront à sec d’ici 2025. On apprend également qu’ils justifient cela en expliquant qu’ils pourront « toujours importer du gaz naturel liquéfié (GNL) pour alimenter [leurs] centrales » et que « Total a d’ailleurs signé un contrat avec l’Etat début octobre qui lui donnera la primauté des importations de gaz en Côte d’Ivoire ». Enfin, on apprend que la biomasse sera la prochaine source de production d’électricité (« renouvelable ») développée dans le pays.

La conclusion sera brève. L’électrification de l’Afrique (et des pays en développement du monde entier), qui est surtout son raccordement à la société industrielle de consommation de produits superflus et toxiques, sert à lui apporter (ou imposer) un mode de vie antiécologique, dont on sait également d’expérience qu’il n’est même pas satisfaisant (cf. les maladies liées au stress, aux angoisses, les dépressions, les burnouts et les suicides qui sont épidémiques dans nos pays déjà « développés »). Un mode de vie dont nous devrions nous débarrasser chez nous, au lieu de leur refourguer. Le fait même qu’en lieu et place d’une désindustrialisation du monde, les multinationales, les médias et les politiques encouragent la continuation de son industrialisation (mais « verte », bien évidemment), garantit la catastrophe pour tous, humains et non-humains. La planète ne peut déjà pas du tout soutenir le niveau de consommation des pays « développés », qui sont largement en train de ravager, de contaminer, d’intoxiquer et de polluer l’ensemble des milieux naturels. Imaginez alors ce qui adviendra lorsque tous les pays du monde consommeront comme les pays riches. La crise écologique extrêmement grave que nous connaissons ne peut être résolue que par l’abandon de l’industrialisme, par une décroissance massive. Manifestement, l’inverse est en cours.

L’Afrique avait cet avantage, par rapport à l’effondrement qui vient, de ne pas être trop dépendante de la machine, de conserver encore des savoir-faire liés à l’autosuffisance et à l’autonomie. Au fur et à mesure de son industrialisation, tout ceci sera perdu. Ses habitants courent ainsi le risque de devenir aussi dépendants des artifices de la société industrielle que nous le sommes dans nos pays dits « développés ».

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