Winnie Mandela et le temps des hyènes – Par Patrick Mbeko

La couverture d’un évènement par les médias occidentaux peut être révélatrice de bien de choses. Elle peut vous amener à comprendre des enjeux voire des problématiques assez complexes. L’exemple des présidentielles américaine et française est à ce point éloquent. À partir de la couverture médiatique de ces événements, on pouvait savoir pour qui battait le cœur de l’oligarchie aussi bien aux USA (Hillary Clinton) qu’en Hexagone (E. Macron). Idem pour le cas Nelson et Winnie Mandela.
En regardant « Les Grands Reportages » de Radio-Canada (RDI) consacrés à la vie de Winnie Mandela, on comprend mieux pourquoi les deux figures de la lutte anti-Apartheid n’ont pas bénéficié du même traitement de la part du cartel médiatique occidental. Le décès de Nelson Mandela a mobilisé la grande presse occidentale, contrairement à celui de Winnie qu’on a traité avec un certain mépris.
Personnellement, je n’ai jamais vu des hyènes s’apitoyer ou faire montre de compassion devant le cadavre d’un animal, aussi « amiteux » fut-il. Mais en Afrique du Sud, on a vu une meute de hyènes venue d’Occident, les dents dégoulinant de sang frais libyen, s’incliner devant la dépouille d’un « grand animal » africain. Une première dans l’histoire du règne animal ! Passons.
Dans le reportage de Radio-Canada diffusé la semaine dernière, Niel Barnard, le directeur de l’Agence nationale des renseignements (NIS) sous les présidents Pieter Willem Botha et Frederik de Klerk, explique : « La figure la plus emblématique du mouvement (N. Mandela) était sous notre contrôle. Et très franchement, il était plus qu’intéressé à l’idée d’entamer une négociation pour que nous trouvions une sorte d’accord ».
L’ancien directeur du NIS eut la « merveilleuse » idée de transférer Mandela à Victor Verster, dans une villa confortable où il pouvait faire tout ce qu’il voulait, y compris rencontrer ses codétenus qui étaient à la prison de Pollsmoor.
Ses « gentils » geôliers lui demandèrent d’inviter sa femme Winnie à le rejoindre. Mais cette dernière, ayant compris la supercherie, opposa une fin de non-recevoir à son mari en lui disant : « C’est hors de question. Tu ne nous mettras pas dans cette cage dorée. Je ne permettrais pas que tu te discrédites ainsi… » Pour Winnie Mandela, la stratégie des dirigeants « apartheidiens » était de couper Mandela de sa base pour mieux le coopter.
Niel Barnard, qui a participé à quarante-huit réunions secrètes avec Madiba, dira sur RFI : « Nous l’avons préparé, et personne ne nous a rendu hommage pour cela. » C’est dire…

Toujours dans le documentaire de RDI, l’ancien maître espion explique : « Nous avons souvent discuté, Nelson Mandela et moi-même. Je lui ai dit : “Monsieur, nous avons un problème avec Winnie, c’est votre femme…” ». Et d’observer : «Winnie avait l’étoffe d’une Jackie Kennedy. Même au sein des services secrets, on en a discuté. On espérait, on rêvait même qu’elle puisse jouer un rôle de responsable aux côtés de Nelson Mandela. Il va devenir président, elle sera la première dame, la mère de la nation… Malheureusement, elle n’en a fait qu’à sa tête ».
Ces quelques extraits n’expliquent pas tout, mais permettent tout de même de comprendre la suite des événements en Afrique du sud post-apartheid. Elles permettent aussi et surtout de comprendre la bienveillance de l’Occident à l’égard de Madiba. L’enjeu à l’époque était de taille. C’était toute la sous-région qui était aux prises avec les mêmes problèmes socio-politiques et économiques. L’Afrique du sud devait servir de pays test, et tout s’est bien passé grâce à Mandela.
Avait-il accepté de jouer le jeu par pur pragmatisme ? Je ne saurais le dire. Mais une chose est certaine : avant l’Apartheid égale après apartheid, avec quelques ajustements aux plans politique et économique, histoire de laisser quelques Noirs diriger et profiter du système.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nelson Mandela a joué le rôle qu’on attendait de lui. Beaucoup d’Africains ont du mal à l’accepter, mais les faits sont là. Le regard encore complaisant que certains Africains portent sur Mandela s’explique par le fait qu’ils n’arrivent toujours pas à dissocier Mandela le combattant de la liberté du Mandela président. Or celui à qui les hyènes occidentales ont rendu hommage en décembre 2013, sourire «sardonique» en coin, ce n’était pas Mandela le combattant, mais bien Mandela le président, l’homme des concessions et de la fausse réconciliation en Afrique du Sud. Ce jour-là, l’Occident venait de perdre l’un de ses alliés le plus importants sur le continent africain. D’où l’importante mobilisation médiatique occidentale. RIP Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela-Mandela, dite Winnie Mandela, Héroïne de la lutte de libération des Noirs sud-africains. Je bois mon lait nsambarisé… 

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