Ces femmes africaines qui ont mené avec brio les luttes d’indépendance de leur pays

Le mois de mars ne pouvait s’achever sans que nous n’évoquions les femmes dans la lutte pour l’indépendance de l’Afrique. Des décennies caractérisées par les guerres d’indépendance où des femmes étaient en première autant que leur camarades hommes. Une période de luttes où, les leaders de la libération de l’Afrique ont parlé avec passion de l’égalité des femmes et ont admis leurs contributions. De l’aveu même de Nkrumah: «le succès du RPC est dû en grande partie aux efforts des femmes membres. Dès le début, les femmes ont été les principales organisatrices sur le terrain. elles ont parcouru d’innombrables villes et villages dans le rôle de secrétaires de propagande et ont été les principaux responsables de la solidarité et de la cohésion du parti. ”
1- Nigéria: Funmilayo Ransome-Kuti
Lorsque les officiers coloniaux britanniques ont refusé d’autoriser les manifestations, la militante Funmilayo Ransome-Kuti a mobilisé des femmes du marché local pour ce qu’elle a appelé des «pique-niques» et des festivals.
Ransome-Kuti, l’une des rares femmes du début des années 20 à avoir suivi un enseignement primaire, a utilisé son privilège pour coordonner la résistance contre le colonialisme au Nigéria, qui visait non seulement les Britanniques mais également les figures de proue traditionnelles qui appliquaient leurs règles.
L’Union des femmes Abeokuta, qu’elle a fondée, a protesté contre les taxes injustes, la corruption et le manque de représentation des femmes dans les couloirs décisionnels. Alors qu’elle est probablement mieux connue à présent comme la mère du pionnier d’Afrobeat, Fela Kuti (un activiste à part entière) , le rôle et les années de Ransome-Kuti en tant que mère du militantisme anticolonial au Nigéria sont rarement célébrés en dehors des textes d’école primaire . Son fils a une fois chanté : «Elle est la seule mère du Nigeria.”
À bien des égards, l’héritage de Funmilayo Ransome-Kuti dans le mouvement pour l’indépendance du Nigéria se repend sur tout le continent.
2- Afrique du Sud: Winnie Madikizela-Mandela
Winnie Madikizela-Mandela, militante anti-apartheid, se trouve confrontée à des doubles standards et à des troupes sexistes qui tentent souvent de les positionner comme des «aides» aux hommes et de les réduire en femmes.
Les femmes, qu’elles soient instruites ou non, ont joué un rôle essentiel dans les partis de libération, bien qu’elles aient souvent été cataloguées comme la branche moins puissante du parti. Bien qu’elles aient eu peu d’occasions de faire partie de l’organigramme plus large de ces partis, les dirigeantes de l’aile féminine ont pu démontrer un potentiel de leadership énorme.
3- Tanzanie: Bibi Titi Mohammed
Un an après son recrutement, Bibi Titi Mohammed , à la tête de l’équipe féminine du Tanganyika African National Union (TANU), avait attiré 5 000 femmes.
Bibi Titi a utilisé le réseau culturel et économique de femmes pour mobiliser, échanger des informations, vendre des cartes d’adhésion du parti, annoncer des rassemblements, organiser des marches et collecter des fonds pour TANU, qui allait devenir le parti pour la liberté de la Tanzanie moderne.
4- Ghana: Mabel Dove-Danquah
Au Ghana, Mabel Dove-Danquah, décrite comme une «féministe pionnière», était bien en avance sur son époque en tant que défenseuse de l’égalité des femmes. Dove-Danquah a travaillé comme écrivain, journaliste et rédacteur en chef pour divers journaux à vocation libérale, notamment le journal Accra Evening News, fondé par Kwame Nkrumah. Elle faisait partie d’une foule de femmes, Nkrumah et son parti populaire de la Convention, habitués à faire avancer la lutte pour l’indépendance, deviendrait la première femme africaine à être élue par vote populaire au Parlement en 1954.
L’aile féminine du PPC était en grande partie composée de femmes du marché qui, tout en parcourant le pays pour acheter et vendre, se sont ralliées à l’évangile de l’autodétermination. Comme dans d’autres luttes africaines, les femmes des marchés étaient également l’épine dorsale financière du parti, De ce fait, lors de la commémoration du 62ème anniversaire de l’indépendance du Ghana ce mois-ci, leurs noms et contributions ont été écrits dans l’histoire populaire.
5- Cameroun: Gertrude Omog
Recrutées parmi les intellectuelles les combattantes de la lutte d’indépendance du Cameroun étaient essentiellement constituées d’ infirmières, d’ enseignantes, d’employées de bureau et d’aides-soignantes.
Gertrude Omog intègre l’UPC (Union des Populations du Cameroun) après sa rencontre avec Um Nyobé. Ainsi, au cours d’un meeting présidé par le Secrétaire Général de l’UPC, elle posa un acte de bravoure au grand étonnement de la foule:
Alors qu’est entonné l ‘hymne national, je remarque que le commissaire Carré a toujours son chapeau posé sur la tête. Ce qui était indécent et mal poli en pareil circonstance … d’un geste, je fais arrêter l’hymne, … ce dernier est prié d’ôter son chapeau et son revolver. Maugréant et éructant, le tout puissant commissaire Carré finit par exécuter. Pour moi adolescente à peine sortie de l’enfance, c’était une victoire ranconta t-elle.
Les dirigeants de l’UPC comprirent dès lors qu’ils avaient une alliée sûre, sur qui il faudrait désormais compter car l’acte courageux qu’elle avait posé méritait la confiance. En 1955, elle est cooptée au sein de la plus haute instance de l’UPC lorsque se tient son comité directeur. Elle se lance dans une grande campagne de sensibilisation dès le 3 avril 1955 à l’Ouest et dans le Moungo. Son courage et son éloquence attirait plusieurs femmes qui venaient l’écouter par curiosité. Gertrude Omog venait ainsi de rompre aux yeux des populations la monotonie des meetings toujours présidés par les hommes. C’est au cours d’une de ses réunions que’ la population jeta l’opprobre sur les prêtres. Dans son repli stratégique en zone anglophone au début de la “rébellion”, elle reconnaît l’un des amis de son père à Kumba et l’utilise comme paravent pour protéger Félix Roland Moumié présent dans la localité pour les mêmes raisons:
Je ramène Moumié chez le chef Nguimbous à Kumba une connaissance de mon père. Je mens à mon hôte que j’ai rattrapé le ..fùgitif de mon père et le chef de ruminer que “ce bamiléké n’a pas le corps couvert de gales”
Comme nous le voyons, même en clandestinité, Gertrude Omog ne baisse pas les bras au point même de faire du Président de l’UPC un esclave afin de le protéger. Elle lutte pour l’implantation de l’UPC dans la zone anglophone en la légalisant en 1956. Arrêtée avec d’autres femmes, elles sont contraintes à l’exil le 17 septembre 1957 au Soudan.
C’est dans un avion militaire que nous embarquons pour l’exil. Dans ce voyage vers l’inconnu, nous sommes quatorze personnes dont quatre femmes. Ce sont: Ngoy Marglferite, responsable de l’UDEFEC à Bafang, Marthe Ouandié et ses quatre enfants, Marthe Moumié et moi.
Ce voyage forcé marque également la fin de l’engagement politique de Gertrude Omog sur le sol de sa patrie. Elle doit désormais continuer le combat loin .
6- Malawi: Vera Chirwa
Première avocate du Malawi, Vera Chirwa, a enduré l’exil et de longues années d’emprisonnement lorsqu’elle s’est retrouvée avec d’autres personnes après une confrontation avec le président Hastings Kamuzu Banda.
Chirwa est un membre fondateur du Parti du Congrès du Malawi, qui a finalement mené le pays à l’indépendance. Elle a également fondé la Ligue des femmes malawiennes, qui luttait non seulement pour les droits des femmes, mais était également l’un des principaux partisans de la résistance contre la domination blanche au Malawi.
7- Algérie: Danièle-Djamila Amrane-Minne
Danièle-Djamila Amrane-Minne appartenait en 1957 à un commando urbain d’Alger où elle était fidaya ; après l’indépendance elle est devenue historienne. Elle a analysé le fichier des moudjahidin qui rassemble les noms et qualités des combattants et combattantes de l’Armée de libération nationale. Elle a surtout réalisé de nombreux entretiens avec les moudjahidate.
Elle a recensé 10 949 militantes, 1 755 maquisardes et 65 combattantes ayant exercé directement la violence.Elle filles, mères ou épouses, les femmes algériennes, sur lesquelles reposaient l’essentiel des tâches du quotidien, ne pouvaient guère abandonner leurs proches pour rejoindre le FLN. Mais cela ne signifiait pas un désintérêt pour la cause de l’Indépendance, ni même un manque d’estime de soi qui aurait pu leur faire dire : « Je suis inférieure aux hommes, je n’ai pas droit à l’espace public, ma place est à la maison ! ». Celles qui n’avaient pas de charge de famille et voulaient s’engager devaient auparavant mener deux combats : l’un pour obtenir l’accord de leurs parents et l’autre pour trouver et convaincre les responsables du Front.
Mozambique: Josina Abiathar Muthemba – Machel
Héroïne de la lutte pour la liberté au Mozambique, Josina Abiathar Muthemba s’est aussi battue pour les droits des femmes.
En combattante déterminée, elle décide de fuir le Mozambique à l’age de 18 ans pour rejoindre la guerre de libération contre les Portugais. Lors de sa première tentative de fuite, elle est capturée dans ce qui était alors la Rhodésie du Sud (aujourd’hui le Zimbabwe), renvoyée chez elle et emprisonnée pendant plusieurs mois. Lors de sa seconde tentative, elle parvient à se rendre au siège du Frelimo à Dar es Salaam, la capitale de la Tanzanie – un voyage de 3 500 kilomètres.
Militante pour les droits des femmes, elle refuse une bourse pour aller étudier en Suisse préférant rester et continuer à se battre dans la guerre contre les Portugais. Elle s’est également battue pour le droit des femmes à prendre part à la lutte de libération du pays, à porter les armes, et à être politiquement actives.
Elle reçoit alors une formation militaire et gravit les échelons du FRELIMO, devenant chef du Département des affaires sociales du parti en 1969 à l’âge de 24 ans. La même année, elle épouse Samora Moisés Machel, qui deviendra le premier président d’un Mozambique indépendant en 1975. Mais Josina n’a pas vécu suffisamment longtemps pour voir son pays libéré des Portugais. Elle meurt des suites d’une grave maladie à Dar es Salaam en 1971.
Les jeunes femmes musulmanes constituaient un élément central de la résistance du FRELIMO (Front de libération du Mozambique) contre la domination coloniale portugaise au Mozambique. Le Front de libération du Mozambique a recruté des adolescentes et des jeunes femmes comme combattants de la guérilla et surtout dans la collecte de renseignements, car elles étaient considérées par les Portugais comme non menaçantes. Elles ont également effectué des tâches domestiques telles que la cuisine et le nettoyage.
8- Zimbabwe: Nehanda Nyakasikana
Nehanda, une prêtresse guerrière née en 1840 en Rhodésie, l’actuel Zimbabwe, est l’une des premières leaders et chef spirituel à se soulever contre les colonisateurs.
Elle a incité son peuple à s’unir afin d’expulser les Anglais de la terre de leurs ancêtres. Son peuple, les Shonas, pratique le culte des ancêtres. Pour cette raison, elle refuse l’offre de se convertir au christianisme pour éviter la pendaison. Elle meurt donc par pendaison.
Considérée comme l’incarnation féminine de l’esprit de l’oracle Nehanda Nyamhika, elle avait des dons prophétiques qu’elle utilisait aussi bien pour résoudre des problèmes d’ordre personnel que pour les décisions politiques importantes. Selon la tradition, à la mort de chaque hôte, l’esprit de Nehanda s’incarne dans un autre corps…
La lutte contre la domination coloniale de Nehanda est un héritage en soi et son héroïsme est devenu une source d’inspiration.
Elle est communément appelée “la mère de l’indépendance du Zimbabwe”.
Une fois les indépendances obtenues, les dirigeants dans certains pays à l’instar de Kwame Nkrumah ont très peu introduit les femmes dans leur gouvernement. Les lois sexistes de l’ère coloniale ont persisté. Dans certains cas, les femmes furent traquées et arrêtées. Bibi Titi en Tanzanie accusée de trahison fut arrêtée et condamnée à la prison à vie. Meme si libérée après deux ans par une grâce présidentielle, elle a passé le reste de sa vie hors de la vue du public.
Une exclusion qui trouve sa chute de nos jours dans la sous autonomisation de la femme africaine, dans l’échec du quota de distribution des rôle importants entre hommes et femmes. Ce qui justifie aisément qu’aujourd’hui, Sahle-Work Zewde, Catherine Samba-Panza, Ameenah Gurib-Fakim, Joyce Banda et Ellen Johnson Sirleaf restent les seules femmes présidentes en Afrique.
Conscientes de cette situation, des féministes férues essayent de plus en plus de repositionner le rôle des femmes dans l’histoire africaine. Un rôle qui a presque été effacé par le colonialisme. Un repositionnement qui devrait concerner tout le monde afin de rendre plus complete notre passé commun
Par Nguefack
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Reference: sur Gertrude Omog UPC
Sources:Les Africaines qui ont changé le monde : Nehanda, une prêtresse redoutable